Nous sommes vraiment là au cœur du sujet. Quand nous en discutions, la quasi-totalité de nos interlocuteurs pensaient à un remplacement pratiquement kilowattheure par kilowattheure, usage par usage. Ma façon de raisonner était très différente : il s'agissait d'abord de mener une politique vigoureuse d'économies, de diversification des sources d'énergie, de décentralisation – produire 3 kilowattheures dans une centrale pour n'en acheminer qu'un seul au consommateur ne paraissait pas efficace, d'autres pays ont fait des choix plus décentralisés.
Les alternatives étaient pensées selon les usages. Les nouvelles techniques de chauffage au bois, qui se sont banalisées – à l'époque elles n'étaient pas répandues – paraissaient plus rentables pour produire de la chaleur dans l'habitat isolé que les lignes électriques acheminant des kilowattheures de chauffage électrique à travers le paysage.
Il s'agissait de retenir un bouquet de solutions, dont le contenu en emplois avait été pesé dans les contrats de plan et les besoins en formation, évalués. Le nucléaire est une énergie très capitalistique, avec peu d'emplois par million d'euros investi. Notre idée était de privilégier des modes de production énergétique plus riches en emplois non délocalisables. Évidemment, on a torpillé la filière photovoltaïque et on importe encore quasiment toutes nos éoliennes, donc ce que je dis n'est pas très juste mais c'était ça l'idée, à l'époque. Elle n'a jamais été de remplacer, kilowattheure par kilowattheure, du nucléaire centralisé par une autre énergie centralisée.