Pour comprendre votre allusion à ma position sur le charbon, j'ai relu l'interview que j'avais donnée à Libération le 23 octobre 1998 et l'intervention que j'avais faite le 11 juin 1998 devant l'Assemblée nationale. Ma position était liée au fait qu'une bonne partie des pays en voie de développement n'ont pas d'autres énergies qu'un charbon, acceptable ou très médiocre, utilisé avec des techniques antédiluviennes, désastreuses du point de vue environnemental, comme les foyers ouverts.
Deux dossiers sur lesquels j'ai travaillé m'ont convaincue qu'il fallait réfléchir à une situation politiquement sensible – la Chine ou l'Inde ont peut-être les ressources pour s'en passer, mais la quasi-totalité des pays en voie de développement n'ont pas les moyens d'utiliser autre chose que leur mauvais charbon.
Le premier dossier était celui du Kosovo, dont M. Bernard Kouchner était l'administrateur pour les Nations unies. Le pays, qui produisait un seul kilowattheure par kilo de mauvais lignite, était demandeur de solutions techniques pour améliorer cette rentabilité. En faillite financière et sortant d'une guerre, il ne pouvait pas réaliser des investissements coûteux à moyen terme. Nous nous étions demandé si les techniques déployées en France pour mieux utiliser le charbon ne pouvaient pas être transférées rapidement au Kosovo, pour améliorer son bilan énergétique.
Le deuxième dossier était celui du site de Gardanne, qui avait reçu un feu vert du ministère de l'industrie et de l'environnement en 1992, avant notre arrivée. Il abritait une centrale de 250 mégawatts et une autre, de 600 mégawatts, était en projet – elle n'a pas été construite. Elle utilisait la technique de la combustion en lit fluidisé circulant, qui consiste à mélanger du charbon concassé avec du calcaire, pour désulfurer – je vous fournis ces explications en rappelant toutefois que je ne suis pas ingénieure. La température de travail limitait l'émission d'oxydes d'azote.
Il semblait intéressant de laisser fonctionner la centrale, comme une solution de transition, peu capitalistique, pour des économies en transition. Je ne vous cache pas qu'il y avait 250 emplois à la clé, dans un territoire travaillé au corps par des extrêmes, qui connaissait de nombreuses difficultés et un taux de chômage élevé. L'emploi a joué dans la décision de mettre en service la centrale, fermée depuis, pour voir quel intérêt elle pouvait présenter d'un point de vue environnemental.
Je n'ai évidemment jamais imaginé que l'on puisse remplacer les centrales nucléaires par les centrales à charbon.