Une remarque, si vous le permettez. Je suis préoccupée par le fait que l'avis demandé au JAP et au procureur de la République n'est régi, dans les textes relatifs aux QER et aux QPR, que par un renvoi à un texte général qui concerne l'affectation et le transfèrement. Les textes actuels ne prévoient pas que ces magistrats doivent spécifiquement donner leur avis sur l'affectation en QER ou en QPR. On en reste au dernier alinéa de l'article R. 224-19 du code pénitentiaire, qui, comme je l'ai dit, reprend à droit constant des dispositions qui figuraient auparavant dans le code de procédure pénale.
Je me pose donc des questions sur ce qui est attendu de l'avis du JAP et du procureur. De deux choses l'une, en effet. Soit on attend que leur avis porte précisément sur la question de la prise en charge de la radicalisation et de l'orientation vers un QER ou un QPR, auquel cas un texte dédié, définissant des critères précis sur lesquels le JAP et le parquetier pourraient s'appuyer pour décider d'un transfert ordinaire ou dans un quartier spécifique, serait le bienvenu ; soit on considère que l'avis du JAP et du procureur de la République est de peu d'intérêt et que cette question relève de l'administration pénitentiaire. Ce serait dommage, car dans certains cas le JAP et le procureur de la République disposent, sur le parcours d'exécution de la peine, d'éléments qui peuvent avoir un intérêt.
Une véritable clarification des textes s'impose en la matière, notamment quand on lit les conclusions du rapport de l'IGJ qui appellent à une réévaluation du plan de prévention de la radicalisation. Ce rapport s'interroge aussi sur la « méconnaissance » du dispositif d'évaluation et de prise en charge de la radicalisation, cinq ans après sa mise en place. Encore une fois, dans cette affaire, les avis formulés par les magistrats interviennent à peine deux ans – et non cinq ans – après la parution de la doctrine de déradicalisation.
Mais au-delà des dates, la vraie question est de savoir ce que l'on attend de la prévention de la radicalisation et quels en sont les acteurs. Faire participer le JAP et le procureur de la République en leur demandant un avis éclairé sur la question est une idée intéressante. Mais, dans ce cas, il faut leur donner des moyens pour le faire, donc du temps. On peut envisager de confier cette tâche au JAPAT, car il est déjà spécialisé. Mais, vous n'êtes pas sans le savoir, la question d'une affectation en QER ne se pose pas seulement pour les personnes condamnées pour terrorisme : elle concerne un très grand nombre de condamnés de droit commun, au vu de leur parcours pénitentiaire. Pour ces derniers, le plus compétent pour donner un avis est le JAP du lieu de détention. Malgré tout l'intérêt que l'on peut porter à ces questions, et malgré l'envie de contribuer par un avis éclairé, cela me paraît en pratique très compliqué au vu de la charge de travail actuelle et de la nécessité d'avoir suivi une formation spécifique sur les aspects liés au terrorisme.
On peut aussi envisager de confier au JAPAT, déjà spécialisé, la tâche d'émettre un avis lorsqu'une affectation en QER ou en QPR est envisagée. Mais cela suppose d'adapter les moyens car, en l'état actuel de leurs effectifs, les JAPAT ne pourront pas donner un avis sur l'ensemble des dossiers.