Je suis d'accord et c'est à mon avis une piste de réflexion sur ce qu'il faudrait clarifier. À l'époque, on ne disposait pas de textes précis sur l'affectation en QER ou en QPR. La question qui se posait était de savoir s'il fallait transférer M. Elong Abé dans un autre établissement – ce qui a finalement été fait avec son placement en quartier d'isolement à Arles – ou s'il fallait l'orienter vers un QER. Cela aurait pu être réalisé dans le même établissement, puisqu'il y avait alors un QER à Condé-sur-Sarthe depuis septembre 2018, ou ailleurs. Je ne sais pas ce qui était envisagé et je ne dispose d'aucun élément sur ce point.
Compte tenu de mon habitude des pratiques en matière de transfèrements, j'imagine que l'on s'est tourné naturellement vers le JAPAT et le PNAT précisément parce qu'on était face à un détenu qu'ils suivaient. À l'époque, il n'existait certes pas de texte donnant compétence au PNAT et au JAPAT pour se prononcer sur un placement en QER ou en QPR, mais seulement un texte de portée générale sur la compétence du parquet et du JAP pour émettre un avis sur un changement d'affectation dans un quartier ou un établissement. C'est une différence importante. Les fameux articles R. 57-7-84-13 et suivants du code de procédure pénale n'ont été créés que six mois après l'avis, lors de la parution du décret du 31 décembre 2019.
Pour revenir à votre question initiale, je n'ai pas d'opinion sur le caractère potentiellement intrusif du PNAT car je n'ai jamais été confrontée à cette question. Je crois qu'au moment de l'avis, en juillet 2019, la doctrine de lutte contre la radicalisation était relativement récente puisqu'elle remontait à février 2017. L'agression contre Yvan Colonna intervient presque trois ans plus tard. Sauf erreur de ma part, par la suite et jusqu'à cette agression, aucune nouvelle demande d'avis n'a été formulée auprès du JAP ou du procureur, que ce soit de la part des magistrats antiterroristes ou des magistrats du lieu de détention.
Il est important, je le répète, de considérer le cadre juridique qui était en vigueur en 2019, au moment du rendu de l'avis. J'imagine que l'administration pénitentiaire a considéré logique de se tourner vers les magistrats spécialisés, en mesure de donner un avis éclairé relativement à un individu sur le degré de radicalisation duquel on s'interrogeait, et qui avait été condamné pour terrorisme. C'est à mon sens ce qui explique pourquoi le PNAT a alors été sollicité, et non le parquet du lieu de détention, par une sorte de jeu de miroirs avec le JAPAT.