Vous venez d'indiquer que vous ne connaissez pas l'ensemble des éléments dont disposent les services de renseignement. Or, dans l'affaire qui nous occupe, c'est le grand écart entre ce que peuvent dire les services de renseignement, d'une part, et l'administration pénitentiaire, d'autre part, au sujet de ce que l'on savait de l'individu en question, alors même qu'il existe des outils permettant le décloisonnement, comme les groupes d'évaluation départementaux (GED). C'est une contradiction qui étonne la commission d'enquête et qu'il va nous falloir résoudre.
Vu la gravité des faits, la personnalité des protagonistes et la gestion politique, administrative et juridique de leur parcours carcéral, les questions sont nombreuses. Nous les avons posées lors de plusieurs de nos auditions, notamment celle du procureur de la République antiterroriste, laquelle a soulevé à son tour beaucoup de questions.
Je m'appuie sur le rapport de l'IGJ. L'un des éléments qu'il relève est la question du transfèrement de Franck Elong Abé en QER, qui s'est posée lorsqu'il était détenu à Condé-sur-Sarthe. L'IGJ évoque un avis unanime de la CPU dangerosité, suivi par la direction de l'établissement – ce qui n'a pas été le cas à Arles – et par la direction interrégionale des services pénitentiaires de Rennes. L'intéressé était d'accord, ce que nous a confirmé la directrice interrégionale. L'Inspection fait état de l'avis réservé de la vice-présidente antiterroriste chargée de l'application des peines et de l'avis très réservé du PNAT. Elle souligne que celui-ci n'avait pas la compétence en matière post-sentencielle pour émettre un avis sur une proposition d'affectation en QER et que la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), à qui appartient la décision finale, n'était pas liée par ces avis.
Nous avons dans ce rapport les trois lignes justifiant l'avis réservé, mais pouvez-vous nous dire, si vous en avez gardé trace, quelle a été la teneur des débats à ce sujet, notamment avec le PNAT ? Car si vous n'avez pas d'informations venant des services de renseignement, le PNAT, lui, doit en avoir, quelles qu'aient été les explications données par M. Ricard devant la commission d'enquête.
Selon l'IGJ, il n'y a réglementairement que deux cas où un terroriste islamiste (TIS) ne passe pas en QER : s'il est déjà connu ou si son affectation contrariait une enquête judiciaire en cours. Depuis la création des QER, 487 TIS y ont séjourné, 13 seulement n'y sont pas passés. Sur ces 13 personnes, combien avaient fait l'objet de la même succession d'avis que Franck Elong Abé – avis positif de la CPU, puis avis négatif des magistrats antiterroristes, notamment du parquet ? Et combien ne relevaient pas des deux exceptions réglementaires ? Si vous ne disposez pas de ce second chiffre, nous pourrons l'obtenir de l'administration centrale pénitentiaire. Vous pouvez nous donner l'ensemble de ces éléments plus tard si vous ne les avez pas en tête.