S'agissant des QER, nos auditions ont mis en évidence deux points de vue opposés.
Selon l'article R. 57-7-84-13 du code de procédure pénale en vigueur à l'époque, « Lorsqu'une personne détenue majeure est dangereuse en raison de sa radicalisation et qu'elle est susceptible, du fait de son comportement et de ses actes de prosélytisme ou des risques qu'elle présente de passage à l'acte violent, de porter atteinte au maintien du bon ordre de l'établissement ou à la sécurité publique, elle peut être placée au sein d'un quartier de prise en charge de la radicalisation, dès lors qu'elle est apte à bénéficier d'un programme et d'un suivi adaptés ».
M. Ricard, qui est à la tête du parquet national antiterroriste (PNAT), mais également le directeur de l'administration pénitentiaire, ont tenu des propos presque agacés, considérant que M. Elong Abé était dangereux, que sa radicalisation était connue et qu'il allait déstabiliser les QER. Faut-il donc aussi comprendre qu'il n'était pas trop dangereux pour occuper un emploi au service général en détention ordinaire, sachant, de surcroît, que les services de renseignement le considéraient comme étant en haut du spectre parmi les TIS ?
Je souhaiterais donc connaître votre avis sur la différence entre les notions de dangerosité carcérale et de dangerosité terroriste, telle que M. Ricard l'a développée pour essayer de relativiser la dangerosité de M. Elong Abé en détention. En substance, au vu de sa dangerosité carcérale, il pouvait être accompagné vers la sortie parce qu'il était gentil en détention. Or, quand on parle de « haut du spectre », on parle de dangerosité terroriste, avec un détenu capable de dissimulation avant de commettre un acte d'extrême violence.
Surtout, considérez-vous, comme l'IGJ, que les QER sont parfaitement calibrés pour intégrer des personnes complexes et les gérer d'une manière sécurisée ? D'une part, on assure que c'est impossible et l'on passe sur le fait que M. Elong Abé puisse devenir auxiliaire sport ; dès lors, on relativise beaucoup, jusqu'à l'assassinat d'Arles – qui est un acte grave – les responsabilités des uns et des autres en termes de non-transmission de procès-verbaux, etc. D'autre part, les textes assurent que les QER visent précisément les individus susceptibles de passage à l'acte violent et qu'ils permettent de gérer les personnes complexes. Considérez-vous que, compte tenu de son parcours, il devait impérativement intégrer un QER ?
Selon l'IGJ, seules deux exceptions sont prévues au transfert automatique d'un TIS en QER : parce que le détenu est parfaitement connu, ou parce que cela nuirait à une enquête judiciaire en cours. M. Elong Abé était-il le seul TIS non transféré en QER à ne pas relever de ces deux critères ?