Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du mardi 28 février 2023 à 21h30
Lutte contre la fraude sous toutes ses formes

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications :

Le préjudice total détecté et subi par le réseau des CAF s'élève à 351 millions d'euros en 2022, pour 49 000 cas de fraude, soit une croissance de 21 % du préjudice et de 8 % du nombre de fraudes détectées depuis 2017. Au total, sur la période 2018-2022, le préjudice détecté s'élève à 1,5 milliard. Les pénalités prononcées par les CAF se sont élevées à 23 millions en 2022, soit une augmentation de 36 % par rapport à 2017, pour un montant moyen de 751 euros. Un cas de fraude sur quatre fait l'objet d'un avertissement. Trois sur quatre font l'objet d'une pénalité. Un sur dix est suivi d'un dépôt de plainte.

Le réseau de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) a quant à lui évité 155 millions d'indus en 2022, soit un montant stable par rapport à 2021 et en forte progression par rapport à l'objectif fixé. L'efficacité des contrôles progresse, avec un dossier contrôlé sur deux débouchant sur un redressement. En 2022, l'activité de contrôle et de recouvrement s'est aussi attaquée aux fraudes en réseau, permettant par exemple la suspension de prestations frauduleuses sur des relevés d'identité bancaire lituaniens et l'intensification des échanges d'informations avec les pays européens.

Pour répondre à M. Fabrice Brun sur le détournement de l'Aspa, je rappelle que nous avons inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 des mesures visant à interdire les versements sur des comptes à l'étranger à compter de juillet 2023. Nous avons par ailleurs acté le renforcement des contrôles réalisés par la Cnav à l'étranger : elle a dépêché des agents en Algérie, ce qui a permis d'identifier et de clore une centaine de dossiers non conformes.

S'agissant de la fraude à l'assurance maladie, le préjudice détecté et évité s'est élevé à 316 millions d'euros en 2022, pour 19 000 dossiers de fraude, soit une augmentation de 44 % en montant financier et de 46 % en nombre de dossiers par rapport à 2021. Sur la période 2018-2022, le préjudice détecté et évité s'élève au total à 1,2 milliard. En 2022, le nombre de sanctions a également augmenté puisqu'il est passé de 7 900 à 8 800. L'accent a notamment été mis sur le contrôle des centres de santé ophtalmologiques et dentaires présentant de fortes atypies de facturation : deux centres de santé ont ainsi été déconventionnés pour une durée de cinq ans en Seine-Saint-Denis et dans les Yvelines. De manière analogue, 360 pharmacies ont fait l'objet de contrôles en 2022 au titre de la fraude aux tests antigéniques : des pratiques frauduleuses ont été mises à jour pour 65 d'entre elles, pour un préjudice estimé de 58 millions d'euros. Deux procédures de déconventionnement d'officine, ainsi que plusieurs dizaines de procédures ordinales et pénales, ont été engagées à ce titre.

S'agissant de la carte vitale, évoquée par plusieurs orateurs, notamment par M. Franck Allisio, il n'est pas vrai que 2 millions de fausses cartes vitales sont en circulation. Leur nombre était de 600 000 en 2019 et il est passé à 3 096 fin 2022. Le préjudice lié aux fausses cartes vitales est estimé à 2 millions d'euros. Néanmoins, comme l'a souligné M. Christophe Naegelen, nous devons mettre en œuvre le chantier sur la carte vitale biométrique ouvert par la loi de finances rectificative pour 2022. Une mission a été confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'Inspection générale des finances (IGF), qui rendra ses conclusions dans quelques semaines, au début du printemps. Celles-ci viendront alimenter les travaux menés par Gabriel Attal, sous l'autorité de Bruno Le Maire.

Les résultats de la lutte contre la fraude sociale sont-ils historiques ? Oui, car nous faisons mieux en 2022 qu'en 2017, et nous faisions déjà mieux en 2017 qu'en 2012. Mais nous pouvons, et nous devons, faire encore beaucoup mieux, tant pour évaluer, détecter, prévenir, que sanctionner les fraudes en matière sociale. Les mesures adoptées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ont déjà permis de renforcer nos outils, avec notamment le déploiement de cyberenquêteurs dotés de prérogatives de police judiciaire dans les caisses de sécurité sociale, le renforcement des sanctions en matière de fraude à l'assurance maladie ou aux prestations sociales, l'application de frais de gestion aux fraudeurs, l'interdiction du versement d'allocations sur des comptes bancaires hors espace unique de paiement en euros (zone Sepa) à compter du 1er juillet 2023, l'extension des procédures de déconventionnement par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) des professionnels de santé frauduleux, ou encore l'usage généralisé du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) pour vérifier l'identité bancaire des allocataires et lutter contre les fraudes à l'usurpation d'identité.

Je le disais, mon collègue Gabriel Attal prépare en ce moment un plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques pour aller encore plus loin. Il comportera un volet ambitieux sur la fraude sociale. En dix ans, nous avons triplé les montants de redressement par les Urssaf – qui sont passés de 253 millions d'euros en 2012 à 788 millions en 2022 – et des fraudes détectées et évitées par les CAF. Nous avons également doublé les fraudes détectées et évitées par l'assurance maladie, passées de 149 millions en 2012 à 316 millions en 2022. Durant les cinq prochaines années, nous pourrons encore doubler les résultats de l'assurance maladie et intensifier l'action du réseau des CAF, des Urssaf et de la Cnav. Nous y parviendrons notamment en renforçant les échanges de données entre les caisses de sécurité sociale, en généralisant l'usage du dispositif de ressources mensuelles pour lutter contre les fraudes aux déclarations de ressources, mais aussi en intensifiant la régulation des plateformes et des micro-entrepreneurs qui représentent une part croissante des cotisations et des contributions sociales éludées.

Un mot maintenant sur la fiscalité internationale, que vous êtes plusieurs à avoir évoquée, en particulier M. Nicolas Sansu. Grâce aux outils documentaires qu'elle impose, la liste des paradis fiscaux a permis de rectifier 774 millions d'euros de fraudes fiscales internationales. M. Franck Allisio a rappelé dans son intervention les différentes conventions fiscales. Grâce à la convention multilatérale Beps, ces conventions fiscales sont désormais complétées par des clauses anti-abus. Je souligne, par ailleurs, s'agissant de la fiscalité internationale, qu'avec la taxe Gafa et l'impôt minimum sur les sociétés de 15 %, qui a fait l'objet d'un accord entre les pays de l'OCDE et d'une directive européenne,…

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