Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du mardi 28 février 2023 à 21h30
Lutte contre la fraude sous toutes ses formes

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications :

Pas moins de 10,6 milliards d'euros d'impôts ont été encaissés par l'État à la suite de ces contrôles, ce qui représente un niveau équivalent à 2019 : ainsi, si le taux de recouvrement n'est pas de 100 %, comme l'a fait remarquer M. Allisio, il n'est pas non plus de 50 %, mais plutôt de 73 %.

La DGFIP a montré sa capacité à se saisir des optimisations frauduleuses des plus grandes entreprises, par exemple dans le cas de la CJIP – convention judiciaire d'intérêt public – conclue avec McDonald's l'été dernier, avec plus de 1 milliard d'euros à la clé. Nous avons donc des outils efficaces.

Ces résultats historiques s'expliquent notamment par le renforcement du ciblage national du contrôle fiscal par l'analyse de données, le data mining : 52 % des contrôles d'entreprises ont ainsi été engagés en 2022 après des analyses de données, et ce chiffre record a vocation à croître encore cette année. Si, comme l'a indiqué Mme Arrighi, le montant total représente encore une proportion limitée des sommes recouvrées par l'État, c'est parce que la montée en puissance de ces contrôles est progressive et qu'à ce stade, les contrôles basés sur l'analyse de données ne ciblent pas les grands groupes, pour lesquels d'autres dispositifs sont utilisés.

Révolution du contrôle fiscal depuis quelques années déjà, l'action pénale s'est encore intensifiée : 1 770 dossiers ont été transmis à la justice. Ce chiffre croît désormais chaque année et nous nous en félicitons.

Les excellents résultats des services fiscaux ne doivent pas masquer ceux des autres services de Bercy : la douane, en matière de lutte contre les contrefaçons et les trafics de tabacs, et Tracfin, dont 30 % de l'activité est centrée sur la fraude fiscale, sociale et douanière.

Enfin, je veux souligner que le précédent quinquennat nous a légué un acquis majeur, celui du droit à l'erreur : c'est une ligne d'action qui commande la fermeté contre la fraude tout en préservant la confiance, qui est le terreau des échanges et de l'initiative d'entreprendre dans notre pays.

Alors oui, nous devons aller encore plus loin. La Première ministre et le Président de la République ont chargé mon collègue Gabriel Attal, sous l'autorité de Bruno Le Maire, de présenter, à la fin du premier trimestre 2023, une feuille de route afin d'impulser dans les méthodes, les moyens et les objectifs un véritable saut capacitaire dans la lutte contre les fraudes aux finances publiques d'ici à la fin du quinquennat. C'est une nécessité, et c'est une nécessité qui rassemble. Notre débat le montre ce soir, et je pense que nous pouvons avancer de façon transpartisane sur plusieurs de ces sujets.

Notre main ne tremble pas davantage en matière de fraude sociale. Nous ne saurions d'ailleurs opposer fraude fiscale et fraude sociale : l'une comme l'autre sapent la confiance qu'ont nos concitoyens dans leurs institutions ; l'une comme l'autre représentent un préjudice pour les finances publiques de plusieurs milliards d'euros par an. Nous les combattons et nous les combattrons donc sans relâche l'une comme l'autre. À cet égard, permettez-moi de préciser que lorsque l'on parle de fraude sociale, on parle bien davantage de fraudes de réseaux et de professionnels que d'une « fraude de la pauvreté ».

À titre d'exemple, le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS) estime que la fraude au recouvrement social représente un préjudice de plus de 6 milliards par an pour les Urssaf, les caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA), les régimes complémentaires et l'Unedic : il s'agit bien là d'une fraude d'employeurs qui ne déclarent pas ou sous-déclarent le travail de leurs salariés ou de salariés mis à leur disposition. De la même manière, en matière de fraude à l'assurance maladie, la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) estime à 70 % la proportion de la fraude qui résulte de l'initiative de certains professionnels de santé peu scrupuleux – centres de santé, professionnels libéraux, établissements sanitaires et médico-sociaux.

S'attaquer à la fraude sociale, ce n'est donc pas porter atteinte aux droits des allocataires modestes, mais bel et bien rétablir l'équité entre les cotisants et entre les allocataires pour démanteler les réseaux criminels, sanctionner les surfacturations ou redresser les montants dus de cotisations et de contributions sociales. Je veux vous présenter le bilan des actions que nous avons conduites en la matière.

S'agissant de la fraude au recouvrement social, le réseau des Urssaf a plus que doublé le montant des redressements réalisés depuis dix ans, passant de 320 millions d'euros en 2013 à 788 millions en 2022. Cumulés sur la période 2018-2022, les redressements issus de la lutte contre le travail informel ont atteint 3,5 milliards, soit un montant supérieur de 150 millions à l'objectif initialement fixé lors du précédent quinquennat. Cette amélioration est notamment permise par un ciblage renforcé des contrôles : les cent redressements les plus importants en 2022 concentrent ainsi 37 % des montants redressés. En outre, les sanctions financières appliquées dans ce cadre, telles que les majorations de redressement ou les annulations d'exonérations de cotisations, représentent 30 % des sommes redressées. Enfin, le contrôle des prestations de service internationales, notamment du travail détaché dans le secteur de la construction, a permis, depuis cinq ans, d'effectuer des redressements pour un montant total de 331 millions. Nous poursuivons cette action avec détermination.

S'agissant de la fraude aux prestations sociales – nous pensons, contrairement à Mme Leduc, qu'elle n'a rien d'une paille et ne doit pas être sous-estimée –, son montant total est estimé à 2,8 milliards d'euros.

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