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Intervention de Christine Arrighi

Séance en hémicycle du mardi 28 février 2023 à 21h30
Lutte contre la fraude sous toutes ses formes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Arrighi :

Je note que c'est le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications qui est présent pour ce débat sur la fraude…

La lutte contre la fraude, entendue comme une violation délibérée et consciente de la réglementation en vigueur, participe de la stratégie d'incitation au civisme et doit être soutenue par chacune et chacun d'entre nous. Sans prétendre à l'exhaustivité sur un si vaste sujet, que ces quelques heures de débat ne nous permettent pas d'aborder dans son ensemble, je focaliserai mon intervention sur les types de fraude régulièrement évoqués dans le débat public : la fraude fiscale, la fraude douanière et la fraude sociale.

Commençons par la fraude fiscale. Pour atteindre l'objectif d'incitation au civisme, notre administration doit assurer une présence suffisante et équitable auprès de tous les contribuables, de l'autoentrepreneur à la multinationale, et combattre tous les types de fraude, de l'encaissement en espèces des recettes non déclarées à l'utilisation des instruments hybrides.

Il est clair que le respect des obligations ne peut qu'être encouragé par la confiance que chacun peut avoir dans la capacité du système fiscal à détecter et imposer impartialement les revenus de tous les autres. En effet, le potentiel du civisme fiscal dépend de manière cruciale de la confiance que les contribuables peuvent placer dans l'exemplarité et l'intégrité de ceux qui, aux divers niveaux, surtout les plus visibles, sont chargés de prélever, de répartir ou d'utiliser le produit de l'impôt.

Or, ces dernières années, cette exemplarité a souvent fait défaut. En septembre 2018 a éclaté l'affaire Laura Flessel, qui était alors ministre des sports. En octobre 2019, Thierry Solère, député La République en marche, a été mis en examen pour fraude fiscale. En décembre 2021, Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, a été condamné pour déclaration incomplète de son patrimoine. En novembre 2022, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a saisi la justice concernant Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales.

C'est l'honneur de la France que d'être un grand pays redistributif des richesses qu'elle produit. Ceux qui incarnent l'État et qui orientent les actions de lutte contre la fraude doivent en être les gardiens et des exemples, selon la formule célèbre « l'État doit être le plus honnête homme de France ».

La lutte contre la fraude fiscale passe également par une solide action préventive, qui suppose une organisation rationnelle des moyens et des méthodes. En la matière, les gouvernements qui se sont succédé depuis la fin des années 2000 ont choisi de ne pas adapter les effectifs des services de contrôle fiscal, en arguant que des mesures technologiques seraient plus efficaces. Ce choix s'est avéré inapproprié : on a dénombré 27 000 vérifications de comptabilité en 2021, contre 35 000 en 2019 et 47 000 en 2010, alors que, de 2008 à 2021, le nombre d'entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés est passé de 1,5 million à 2,84 millions, et celui des entreprises assujetties à la TVA est passé de 4 millions à 7,55 millions. Autrement dit, le ratio du nombre de contrôles rapporté au tissu économique et fiscal s'effondre, laissant à la fraude des marges de manœuvre de plus en plus importantes.

En 2022, les résultats financiers des contrôles fiscaux se sont élevés à 14,6 milliards d'euros, en progression de 1,2 milliard par rapport à 2021. Toutefois, ces résultats sont très inférieurs à ce qu'ils étaient entre 2010 à 2018, puisqu'ils oscillaient alors entre 16 milliards et 21 milliards. Il ne s'agit donc pas de résultats « exceptionnels », comme les ont qualifiés Bruno Le Maire et Gabriel Attal. De plus, si le data mining est à l'origine de 52 % des contrôles fiscaux, il ne représente que 13,69 % des résultats obtenus.

J'en viens à la fraude douanière. S'agissant des procédures douanières et des taxations directes ou indirectes, l'existence de ports francs fait courir des risques importants de blanchiment d'argent sale ou de financement d'actes terroristes – nous y reviendrons. Les travaux internationaux menés par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l'Organisation mondiale des douanes (OMD) ont démontré que certaines organisations frauduleuses ou criminelles utilisaient ces plateformes pour infiltrer plus facilement le fret légal et y faire transiter des marchandises illicites.

Je termine par la fraude sociale. Sa composante majeure est la fraude aux cotisations sociales, estimée à 8 milliards d'euros par an. Celle-ci est majoritairement le fait d'employeurs qui ne déclarent pas les heures travaillées. En 2022, le réseau des Urssaf a effectué des redressements pour 788 millions, montant stable par rapport à 2021. Ces chiffres révèlent, cela a été dit, la faiblesse de l'ambition gouvernementale en la matière. Il est nécessaire de renforcer les moyens des Urssaf pour augmenter les montants des redressements.

Quant à la fraude aux prestations sociales, autre composante de la fraude sociale, son montant a été évalué en 2020 par la Cour des comptes à 1 milliard d'euros par an. Elle représente donc une infime partie des trois types de fraude que j'ai abordés. Cette réalité contraste avec l'indignation que nous observons notamment à la droite de cette assemblée et le battage médiatique qui l'accompagne. C'est là une façon de ne pas traiter le vrai sujet, à savoir la fraude qui prive les États des moyens de répondre aux enjeux de justice sociale et environnementale, et de défendre ainsi avec vigueur notre modèle républicain.

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