Intervention de Philippe Brun

Séance en hémicycle du mardi 28 février 2023 à 21h30
Lutte contre la fraude sous toutes ses formes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Brun :

Le débat qui nous réunit ce soir est un débat important. Nous ne saurions nous enfermer dans les caricatures d'une gauche qui pourfendrait d'abord la fraude fiscale et d'une droite qui pourfendrait d'abord la fraude sociale. Même si les montants n'ont rien à voir, et que la fraude sociale est infinitésimale à côté des montants de la fraude fiscale dans notre pays, nous devrons être attentifs, car nous sommes attachés à notre système de protection sociale, à sa soutenabilité, mais aussi à la confiance que les citoyens placent en lui. J'insiste, nous devons être absolument attentifs au sujet de la fraude sociale.

Je rappellerai quelques chiffres : la fraude détectée l'année dernière par les organismes de recouvrement de la sécurité sociale s'élève à 1,5 milliard d'euros. Pour moitié, il s'agit d'une fraude aux cotisations sociales et au travail dissimulé. Permettez-moi d'y accorder quelques instants. Je le répète, la moitié de la fraude sociale en France est le fait du travail dissimulé. Pourtant, au cours des cinq dernières années, le Gouvernement a supprimé environ 20 % des postes d'inspecteurs du travail dédiés à des activités de contrôle effectif dans les entreprises. Comment lutter contre la fraude aux cotisations sociales et au travail dissimulé en nous privant en même temps du concours de ces inspecteurs dans les directions économiques régionales ?

La fraude sociale, c'est-à-dire la fraude aux prestations, représente environ 750 millions d'euros sur le montant total de 1,5 milliard d'euros de fraude sociale détectée l'an dernier. Il ne s'agit pas aujourd'hui de dire que cette fraude doit être minorée ou ne doit pas être regardée droit dans les yeux. Nos concitoyens sont souvent plus attentifs aux petites injustices qu'ils vivent dans leur quotidien – il est difficile de voir un voisin qui fraude quand on respecte soi-même les règles – qu'aux grandes injustices, telles que la fraude fiscale.

S'agissant de la fraude sociale, référons-nous au rapport que notre collègue Patrick Hetzel a rendu en 2019. Aujourd'hui en France, il y a environ deux millions de numéros de sécurité sociale en trop par rapport au nombre de bénéficiaires effectifs. On observe aussi, à la lecture de plusieurs rapports, une augmentation de la fraude à l'identité, de l'ordre de 23 % l'an dernier. Nous devons y faire face par tous moyens. Aussi, nous proposons de créer une autorité antifraude qui permette de mettre en relation l'ensemble des services et de renforcer les capacités d'investigation. Encore une fois, c'est la condition de la soutenabilité de notre système de sécurité sociale et surtout de la confiance qu'y prêtent nos concitoyens. Ce système, nous y sommes attachés et nous souhaitons le rendre encore plus redistributif.

J'en viens évidemment à la fraude fiscale, qui est l'élément écrasant du débat de ce soir. Parlons par exemple de la fraude à la TVA, qui est estimée par l'Insee en 2022 à un peu plus de 25 milliards d'euros. Nous devons considérer ce sujet avec l'attention qu'il mérite. Il apparaît nécessaire de développer les contrôles monétiques et de réduire le paiement en espèces qui, de toute évidence, est aujourd'hui un facteur de fraude à la TVA. Au-delà de la multiplication des contrôles, nous devons veiller à disposer de services de renseignement fiscal pour donner à notre pays le moyen de lutter contre les grandes infractions fiscales. Je vous renvoie à l'excellent rapport d'information que Christine Pires Beaune a rendu il y a deux ans sur les aviseurs fiscaux. Notre collègue suggérait de créer un service de renseignement fiscal et de doter le ministère de l'économie et des finances des moyens nécessaires pour mener des enquêtes à grande échelle sur la fraude à la TVA, qui aujourd'hui s'avère massive.

Voilà, monsieur le ministre délégué, chers collègues, quelques idées pour mener ce combat essentiel contre la fraude. Nous ne saurions que rappeler la faiblesse du montant de la fraude sociale par rapport à celui de la fraude fiscale. Nous sommes convaincus que notre État, nos services publics ont de l'importance ; une fois de plus, nous sommes profondément attachés à notre système de sécurité sociale, lequel ne peut être garanti que si l'on a la preuve du respect des règles.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion