Intervention de Franck Allisio

Séance en hémicycle du mardi 28 février 2023 à 21h30
Lutte contre la fraude sous toutes ses formes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFranck Allisio :

À l'initiative du groupe Rassemblement national, nous sommes amenés ce soir à débattre de la fraude sous toutes ses formes. Parlementaires chargés de consentir à l'impôt et aux cotisations sociales au nom de tous les Français, nous nous devons de nous saisir pleinement de ce fléau qu'est la fraude. Car il faut nommer les choses : la fraude est la plus terrible et la plus insidieuse des trahisons de notre contrat social et du principe fondateur de consentement à l'impôt ; la fraude mine les fondements mêmes de notre République. La fraude, on nous en parle régulièrement dans nos circonscriptions, lors de nos rendez-vous et sur les marchés – chez moi, sur ceux de Marignane, de Vitrolles, Châteauneuf-les-Martigues ou encore Sausset-les-Pins et Carry-le-Rouet –, et toujours avec la même colère. Car frauder, c'est trahir la confiance de tous les Français et porter un coup terrible à notre solidarité nationale, frauder, c'est voler chacun et chacune d'entre nous, chaque Français, chaque contribuable et non pas seulement abuser du système, profiter de ses largesses ou de ses faiblesses. La fraude est insupportable pour nos concitoyens, dans un pays où le poids des prélèvements obligatoires est l'un des plus élevés du monde : en France, sur 100 euros de richesse produite, plus de 45 euros sont engloutis dans des prélèvements obligatoires.

Lutter contre la fraude sous toutes ses formes n'est pas seulement un enjeu de finances publiques, c'est une question de justice fiscale et sociale. Afin que notre débat soit efficace et à la hauteur de l'enjeu, il se doit donc d'embrasser le sujet dans toutes ses dimensions, à commencer par son ampleur. Selon la Cour des comptes, la fraude serait chaque année de l'ordre de 15 milliards d'euros pour la seule TVA et de 10 milliards à 25 milliards d'euros pour la fraude aux prestations sociales. Ajoutons que pour la totalité de la fraude fiscale, le chiffre de 70 milliards d'euros est souvent avancé et, tout aussi inquiétant que le montant, est le fait que la lutte engagée contre elle est très insuffisante puisque seuls 50 % à 60 % des sommes exigées par le fisc sont finalement recouvrées. L'Allemagne et le Royaume-Uni font beaucoup mieux.

S'agissant des fausses cartes Vitale obtenues frauduleusement, leur nombre était estimé à 2,5 millions en 2020 ! Les fraudes aux prestations sociales ne font pas l'objet de sanctions, sauf de la part de la caisse d'allocations familiales (CAF), qui se limite d'ailleurs à prononcer de simples avertissements, bien peu dissuasifs.

Source emblématique de fraude et de concurrence déloyale : le travail détaché, encouragé par l'Union européenne. En effet, les mécanismes de fraude liés au travail détaché aboutissent à de la fourniture illicite de main-d'œuvre et non à une prestation de service comme prévu par le droit européen.

Autre source importante de fraude : la vente en ligne. Si cette dernière est une source de fraude à la TVA importante, elle est aussi responsable de la mise sur le marché de produits non conformes aux normes en vigueur, ce qui fait courir des risques pour la santé des consommateurs.

Parmi les fraudes plus méconnues, on trouve les ententes illégales entre entreprises. Elles ont pour but de fausser la concurrence et donc de faire payer le client – consommateur, collectivité locale ou État – plus cher que ce que permettrait une concurrence saine et loyale.

S'agissant des fraudes internationales dont usent certaines multinationales au détriment de la France, je voudrais revenir sur les facilités dont bénéficient certains pays ayant signé avec la France des conventions fiscales abusivement souples : je fais ici référence aux fameux CumEx Files. Certaines conventions fiscales bilatérales ont déjà été pointées du doigt par les sénateurs, puisque la France est partie à neuf conventions de ce type prévoyant un taux de retenue à la source nul sur les dividendes versés à des résidents étrangers. Les pays concernés sont l'Arabie Saoudite, le Bahreïn, l'Égypte, les Émirats arabes unis, la Finlande, le Koweït, le Liban, Oman et le Qatar. Dois-je rappeler, concernant le Qatar, qu'Emmanuel Macron avait promis, en 2017, de dénoncer cette convention fiscale ?… Qu'a-t-il fait depuis ? Rien !

Il faut dire qu'en matière de fraude fiscale des plus grands groupes internationaux, le gouvernement actuel fait œuvre d'une passivité parfois suspecte. Il y a tout juste quelques mois, des perquisitions ont eu lieu au siège français de McKinsey après l'ouverture d'une enquête pour blanchiment aggravé de fraude fiscale : il aura fallu l'intervention des sénateurs pour lever certains lièvres concernant cette entreprise acoquinée avec la République en marche et son champion devenu Président de la République ! Et que dire de la société Uber, autre société très amie du pouvoir, pointée du doigt pour sa fraude sociale et dont le faible montant des impôts payés en France laisse planer un doute sur ce qui serait à tout le moins une évasion fiscale massive.

Nous l'aurons tous constaté : la lutte contre la fraude sous toutes ses formes est très insuffisante. Ce débat est pour notre groupe l'occasion de défendre des propositions concrètes pour que cette lutte soit enfin efficace, sincère et prioritaire. Elle passe par la création d'un vaisseau amiral pour coordonner et mener cette mission, à savoir un grand ministère de lutte contre la fraude.

Il est également essentiel de mieux cibler les flux internationaux de marchandises qui facilitent la fraude. L'Observatoire européen de la fiscalité estime que 40 % des profits dans le monde sont délocalisés dans les paradis fiscaux. Il convient donc d'instaurer une législation fiscale qui garantisse que les profits réalisés en France sont dans leur intégralité assujettis à l'impôt français sur les sociétés, moyennant des sanctions appropriées en vue de décourager les stratégies d'optimisation fiscale abusive.

Pour ce qui est du travail détaché, cette pratique est une telle source de fraude au droit du travail et aux cotisations sociales qu'il faut tout bonnement la supprimer.

On sait que la fraude fiscale peut également résulter de l'extrême complexité et de l'instabilité des règles applicables en matière fiscale, ce qui est par ailleurs source d'erreurs. En conséquence, la simplification du droit fiscal est une des conditions de la réduction de la fraude.

Une lutte efficace contre la fraude fiscale nécessite évidemment la fin du dumping fiscal pratiqué par Chypre, par l'Irlande, par le Luxembourg, par Malte et par les Pays-Bas au sein même de l'Union européenne !

La lutte contre la fraude aux cotisations et aux prestations sociales passe notamment par le remplacement des cartes Vitale actuelles par des cartes infalsifiables contenant des données biométriques. Il est incroyable que la technique du 2D-Doc, ce protocole de sécurisation des données transmises par quelque moyen que ce soit, développé depuis dix ans par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), ait été utilisée pour contrôler étroitement chaque citoyen français via les certificats de vaccination… mais jamais contre les fraudeurs !

Enfin, la maîtrise de nos frontières est une condition indispensable à la lutte contre les fraudes. Ainsi, selon un rapport du Sénat de 2019, jusqu'à 25 % des produits alimentaires importés en France violent les normes que nos agriculteurs et nos producteurs, eux, respectent ! Seuls les contrôles aux frontières permettent de s'assurer de la conformité des marchandises destinées au marché français.

Mes chers collègues, monsieur le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, il est temps que le Gouvernement retire ses mains des poches de cette France qui se lève tôt, qui travaille dur et qui élève ses enfants en espérant un jour toucher une retraite bien méritée, pour les mettre dans les poches des fraudeurs et des voleurs qui ruinent tout esprit de justice fiscale et sociale ! Reprenez cet argent volé et rendez-le aux Français pour qu'ils puissent à nouveau consommer et investir. La France n'est pas condamnée à rester la championne du monde des impôts !

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