« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». C'est, comme vous le savez, sur le fondement de cette règle inscrite au premier alinéa de l'article 3 de notre Constitution que notre assemblée, au nom du peuple français et de lui seul, est autorisée à siéger et partage avec le Sénat la prérogative de voter la loi.
Après son examen par le Sénat et par la commission mixte paritaire, nous voici à nouveau face à un projet de loi dont l'intitulé annonce clairement l'objet : « adaptation ». Ainsi, les dispositions qu'il contient ne procèdent pas d'un choix souverain de la France, mais d'une injonction pour notre pays à s'adapter au cadre défini par les règlements et directives de l'Union européenne. Ces règles sont soumises à notre vote au nom, non pas de l'intérêt public qu'il s'agirait de satisfaire, mais de l'exigence, pour notre droit, de s'adapter au droit européen.
Notre position sur l'ensemble de ce texte, qui s'inscrit dans une logique de conformation contrainte, est fidèle à notre ligne de défense de la souveraineté nationale, déjà développée en première lecture. Cette opposition ne fait cependant pas obstacle à une discussion constructive sur le fond de chacun des articles qui composent le projet de loi. Ainsi, dans certaines de ses dispositions, le fond du texte mérite d'être soutenu. Par exemple, l'article 12 renforce les obligations d'accessibilité aux personnes handicapées des terminaux électroniques. Nous souscrivons bien sûr totalement à l'objectif d'un accès matériel universel des Français aux biens et services et approuvons donc le renforcement législatif prévu à cet article.
De même, alors que l'agriculture française est mise à mal depuis plusieurs décennies par une désaffection croissante pour le métier d'agriculteur – métier dont la valorisation économique et morale dans la société actuelle est hélas déconnectée de la dureté des conditions de travail qui le caractérisent –, nous soutenons sur le fond l'article 30, dont l'objet est de faciliter l'installation de jeunes agriculteurs par une aide publique dédiée. Nous saluons au passage le fait que cette assemblée ait permis l'octroi de cette aide aux jeunes agriculteurs ne pouvant encore justifier d'une expérience acquise dans le domaine agricole : il est en effet capital d'accompagner au plus tôt chaque projet d'orientation ou de reconversion, afin de favoriser au maximum les nouvelles installations.
À l'inverse, nous rejetons sans ambiguïté l'article 19 de ce projet, dans lequel nous voyons un effet pernicieux de notre soumission à un droit supranational, contraire au refus français de la marchandisation de la médecine. L'autorisation nouvelle de la publicité en faveur des opérations chirurgicales à but exclusivement esthétique se heurte à la protection des mineurs contre des dérives auxquels ils sont plus que jamais exposés. En effet, la promotion sans précédent de ce type d'interventions, destinée à un public très jeune et souvent très partiellement informé sur leurs conséquences, soulève à nos yeux des inquiétudes fondées. Et si la commission mixte paritaire a inséré dans le texte une mention de ce phénomène, elle n'a pas supprimé le risque directement introduit par la libéralisation de cette publicité ; l'inquiétude quant à la protection des mineurs demeure.
En résumé, nous nous opposons à ce projet de loi qui est une manifestation de plus de la soumission constamment renouvelée de la France aux institutions européennes, et rejetons à plus forte raison dans ce texte les dispositions qui se heurtent sur le fond aux valeurs que nous défendons mais approuvons celles qui vont dans le sens que nous estimons être l'intérêt commun, même si nous aurions préféré les trouver dans un autre texte que celui-ci, disparate et dont la seule cohérence interne est de pousser un peu plus la législation française dans un cadre défini au sein d'instances non élues.