Pour défendre sa contre-réforme des retraites, le Gouvernement utilise souvent la comparaison internationale. La France serait une exception dans l'Union européenne, voire dans le monde, un îlot un peu hédoniste au milieu de nations raisonnables dont la population accepterait de travailler plus longtemps. Ce raisonnement repose sur deux mensonges par omission ou deux approximations.
La première concerne l'âge légal du départ à la retraite, qui doit être distingué de l'âge de départ effectif. Or pour limiter les décotes, les Françaises et les Français, en moyenne, ne partent pas plus tôt que dans les autres pays de l'Union européenne : 64,5 ans en France contre 64 ans dans l'Union européenne et 63,8 ans dans l'ensemble des pays de l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques.
Depuis 2011, l'Union européenne a demandé à huit reprises à la France de reculer l'âge de départ à la retraite, afin de respecter le totem des 3 % de déficit, une norme strictement comptable dont l'efficacité macro-économique reste à démontrer. Surtout, on peut considérer que ce sont les politiques économiques menées en France qui ont aggravé les déficits dans le budget de l'État, qui entend désormais les combler en s'attaquant au système de retraite : il verse des aides publiques sans contrepartie à des entreprises qui, notamment, ne créent pas d'emplois et n'investissent pas. Comme l'a dit le président du Conseil d'orientation des retraites – COR –, le véritable objet de la réforme des retraites est de financer la politique économique décidée par le président Macron.
Deuxième approximation : à chaque fois qu'un pays a repoussé l'âge de départ à la retraite, le taux de pauvreté des retraités a augmenté. Si le taux de pauvreté des retraités français – 10,1 % – est le deuxième plus bas de l'Union européenne, c'est aussi parce que l'âge légal de départ à la retraite est moins élevé. En revanche, en Allemagne, depuis 2007, l'âge de départ à la retraite recule d'un mois tous les ans pour atteindre 67 ans en 2031 ; quant à la durée de cotisation passera de quarante-trois à quarante-cinq annuités d'ici à 2029. Dans le même temps, les pensions versées chuteront, passant en moyenne de 52,6 % des salaires en 2005 à 43 % en 2030. Le taux de pauvreté des seniors est passé de 15 % en 2012 à 19,3 % en 2021, et ce sont les femmes qui sont les plus touchées. Tel est également le cas dans plusieurs autres pays européens où ces mesures ont été adoptées.
La hausse du taux de pauvreté, proportionnelle au recul de l'âge de départ à la retraite, s'explique par le fait que de nombreux travailleurs et travailleuses soit ne sont plus capables physiquement d'exercer leur emploi, une fois qu'ils ont atteint l'âge de 60 ans – ils sont donc en invalidité –, soit sont au chômage. Dans les deux cas, ils quittent donc plus tôt le monde de l'emploi et ne bénéficient pas d'une retraite à taux plein. En 2021, en France, seuls 56 % des 54-64 ans occupaient un emploi, tandis que l'espérance de vie en bonne santé était de 64,1 ans pour les femmes et 62,7 ans pour les hommes.
Ma question est très simple : quelles dispositions sérieuses visant à éviter ces trappes à pauvreté avez-vous prévues dans la réforme des retraites qui continue d'être débattue au Parlement, et comment comptez-vous empêcher que les actifs d'aujourd'hui deviennent les retraités pauvres de demain ?