Le 23 janvier dernier, après la décision de la Cour de justice de l'Union européenne interdisant, sans dérogation possible, tout usage des néonicotinoïdes prohibés par les règlements européens, vous annonciez vous conformer à cette sentence et ne demander aucune dérogation supplémentaire pour la commercialisation de semences de betteraves enrobées de néonicotinoïdes.
En l'absence d'alternatives à l'emploi de ces substances immédiatement disponibles, cette décision a provoqué la colère des betteraviers, qui redoutent particulièrement la menace de la jaunisse du puceron. Ils ont d'ailleurs fait entendre leur colère le 8 février dernier à Paris, vous amenant à envisager par avance leur indemnisation si les cultures venaient à être décimées par cette infection.
Deux cadres juridiques se superposent.
D'une part, le cadre européen, avec trois règlements d'exécution du 29 mai 2018, et un quatrième du 13 janvier 2020, interdit quatre néonicotinoïdes – avec une exception pour les cultures sous serre. À l'exception de celles-ci, aucune substance n'est interdite. Ainsi, l'acétamipride, un autre néonicotinoïde, demeure autorisé jusqu'en 2033.
D'autre part, le cadre légal français – la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages – interdit l'ensemble des insecticides de la famille des NNI. Pourtant, une dérogation était prévue par la loi du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières. Elle permet de semer des graines de betteraves enrobées de néonicotinoïdes pour tenir compte du risque spécifique affectant cette culture. Du fait du cadre européen, cette dérogation est inutilisable, et cela aboutit à une interdiction complète des NNI en France.
Dans ce contexte, je vous demande de nous éclairer sur plusieurs points.
Pouvons-nous nous permettre d'imposer à nos agriculteurs la législation la plus restrictive au monde en matière de NNI et, ainsi, par jusqu'au-boutisme écologique, nous placer dans une situation de concurrence déloyale par rapport à nos voisins, pour lesquels les restrictions ne vont pas au-delà du cadre européen ? Envisagez-vous une autorisation légale de l'acétamipride, produit admis sur le marché européen ? Qu'en est-il des cultures sous serre permanentes ?
Alors que les dérogations françaises en faveur de l'enrobage des semences de betteraves se fondaient sur le faible impact environnemental de la pratique – les betteraves sucrières ne fleurissent pas, les doses de NNI sont minimes et des précautions sont prévues quant à l'usage des sols les années suivantes –, allez-vous défendre auprès de vos homologues européens et de la Commission la compatibilité de la législation française actuelle avec la protection des insectes pollinisateurs ?
Enfin, l'indemnisation des producteurs de betteraves sucrières en cas de pertes dues à la jaunisse ne résout malheureusement pas tout. En l'absence d'outils satisfaisants pour protéger ses plans, toute la filière française du sucre de betterave se retrouve fragilisée. Que prévoyez-vous pour les producteurs de semences, très présents dans mon département du Lot-et-Garonne, et pour l'industrie sucrière française, la plus importante en Europe ? Nos agriculteurs, betteraviers et industriels du sucre attendent avec beaucoup d'intérêt d'en savoir plus sur votre stratégie.