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Intervention de Yves Marignac

Réunion du mercredi 1er février 2023 à 17h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Yves Marignac, Chef du pôle énergies nucléaire et fossiles de l'institut négaWatt :

Je ne saurais dire quelle part de l'industrie dans l'économie prévoit le scénario négaWatt en 2050, car ce scénario ne s'appuie pas sur un modèle économique. Nous nous préoccupons naturellement de la vraisemblance économique de notre scénario, et nous chiffrons notamment les besoins en investissements et les créations d'emplois qu'il implique, mais aucune évaluation exogène ou endogène du PIB n'y est incluse.

En revanche, notre scénario intègre une relocalisation importante de l'industrie, mais réaliste, et ciblée sur les filières pertinentes à moyen et long terme pour la transition énergétique (typiquement les filières de fabrication d'équipements pour la production renouvelable), sur les filières les plus stratégiques (par exemple celles relatives aux composants électroniques), et sur celles dont la relocalisation présente les enjeux de soutenabilité les plus importants. Par exemple, notre scénario suppose une diminution de 30 % des volumes de textile vendus à 2050, mais avec un maintien du chiffre d'affaires, grâce à une qualité et une durabilité plus grandes des textiles, qui permettent, d'une part aux filières françaises de retrouver de la compétitivité, donc de relocaliser une partie de la production, d'autre part d'augmenter très fortement le taux de recyclage des textiles.

Nous sommes en revanche très critiques du scénario « de réindustrialisation profonde » porté par RTE. Même si nous soulignons régulièrement le sérieux méthodologique de RTE, et le sérieux de son travail de concertation, son scénario « futurs énergétiques 2050 » a pour biais méthodologique de ne porter que sur des futurs électriques, dans la mesure où seule la partie électrique du système y est modélisée. En conséquence, ses hypothèses de réindustrialisation, qui ciblent les industries présentant un enjeu pour l'électricité, ne nous semblent pas réalistes au sein de l'Union européenne. Elles portent notamment la part de l'industrie à 13 % d'un PIB en croissance constante, et le solde exportateur de la France à 200 milliards d'euros en 2050, sans en vérifier les conséquences en empreinte matière ou en empreinte gaz à effet de serre (GES).

Dans le scénario négaWatt, l'échéance d'arrêt des réacteurs n'est pas celle des cinquante ans, mais du cinquième réexamen périodique, ce qui peut amener à deux, trois ou quatre années de plus que cinquante ans selon les réacteurs. Le dernier réacteur nucléaire devrait ainsi s'arrêter en 2045. Il ne nous paraît pas aujourd'hui raisonnable de parier sur un renouvellement au-delà de cinquante ans, dans la mesure où aucun argument de sûreté n'a encore été apporté pour garantir une tenue des cuves face à la fatigue neutronique à cet horizon. Certains réacteurs seraient arrêtés dès maintenant, afin de lisser ces fermetures autant que possible, sur un rythme de deux fermetures par an, alors que la pyramide des âges des réacteurs du parc nous condamnera à fermer quatre réacteurs par an si la logique actuelle est conservée. Nous insistons particulièrement sur le fait que, quelles que soient les options de renouvellement du parc retenues, tous les scénarios devront notamment trouver un statut juridique et un mécanisme de financement dédiés pour les réacteurs qui ne seront que partiellement prolongés, en leur conservant un rôle de réserve de capacité, à des fins de flexibilité, et afin de ne plus avoir à y réaliser tous les investissements de sûreté. La sensibilité hivernale notamment rendra impossible de fermer de manière maîtrisée quatre réacteurs par an dans le contexte du système électrique existant.

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