Le scénario négaWatt insiste beaucoup sur « l'équilibre des vecteurs énergétiques ». Partant du constat que notre consommation finale d'énergie repose à plus de 60 % sur les énergies fossiles, et notamment sur la combustion, nous soulignons la nécessité de décarboner la combustion en complément de son remplacement par de l'électricité elle-même décarbonée. Nous insistons à cet égard sur le rôle de la biomasse énergie, sous différentes formes.
Si, en matière d'électricité, les enjeux pour maîtriser les besoins en renouvellement du système portent essentiellement sur la sobriété et l'efficacité ; en matière de biomasse, les enjeux concernent les contraintes croisées, le stress du changement climatique sur la forêt, et la disponibilité de ressources agricoles en priorité pour des usages alimentaires et pour des biomatériaux, puisque notre scénario intègre une vision complète en empreinte des besoins en matière première de l'économie française. Pour autant, un potentiel très important est également à mobiliser dans le développement du bois énergie dans des conditions locales, et le développement du biogaz, là aussi sous forme de « biogaz de terroir » (selon l'expression heureuse de l'un de nos spécialistes), c'est-à-dire en organisant la filière biogaz d'une manière adaptée à la spécificité de chaque territoire agricole. Pour des raisons d'optimisation des contraintes, des potentiels et des impacts, il nous paraît en effet plus facile de mobiliser ces ressources que de continuer à développer l'électrification, au risque de rendre critiques les besoins en réseaux, mais aussi en batteries, et en matériaux associés, à commencer par le cuivre.
Cette logique d'optimisation de l'affectation des ressources aux usages à travers les différents vecteurs tient également compte des infrastructures de réseaux existantes. Ainsi, le gaz, même devenu renouvelable à terme, est remplacé dans les bâtiments par l'électrification, afin de privilégier l'emploi de ce gaz dans des process industriels difficilement électrifiables, et dans une partie des transports. En effet, notre scénario, publié avant l'interdiction européenne des véhicules thermiques à 2035, considère que le tout électrique pose question dans la mobilité longue distance, et maintient dans ce domaine une part de véhicules hybrides (donc alimentés en partie au gaz renouvelable), mais surtout pour le fret, considérant que l'électrification massive du transport routier posera énormément de problèmes de matériaux, et/ou de réseau. Cela permet aussi de maintenir la valeur de l'infrastructure du réseau de gaz.
Une synergie entre les réseaux et les vecteurs est enfin recherchée à travers notamment le « power-to-gas », c'est-à-dire la production d'hydrogène par électrolyse à partir d'électricité excédentaire (relativement facile à produire grâce au développement du photovoltaïque). Cet hydrogène servirait avant tout aux besoins en matière première, plutôt qu'en énergie : il remplacerait l'hydrogène produit aujourd'hui à partir de gaz fossile (au prix d'une grande production de CO2), et pourrait être maintenu sous forme d'hydrogène, ou recombiné avec du CO2 (typiquement issu de la purification du biogaz) pour produire du méthane de synthèse, qui pourrait marginalement servir à une production d'électricité permettant d'assurer la sécurité du système électrique.