Vous avez raison. Les stratégies énergétiques des pays européens diffèrent sur des points fondamentaux, comme celui de la place du nucléaire, et il n'existe pas de vision européenne coordonnée et cohérente sur ces enjeux.
La plupart des pays européens, notamment les plus avancés dans le déploiement des énergies renouvelables, ont jusqu'ici beaucoup compté sur une réserve exportatrice et une réserve importatrice. En Allemagne, notamment, le développement massif des énergies renouvelables a reposé, non sur une transformation, mais sur les ajustements rendus possibles par le maintien de la capacité carbonée, dont la part a certes été réduite dans la production d'électricité interne, mais dont le surplus a été destiné à l'export. Or, il n'est pas possible que chaque pays européen compte ainsi sur un solde exportateur pour développer ses nouveaux moyens de production sans fermer les moyens anciens. C'est seulement récemment que l'échéance de la fermeture du parc charbon allemand a été avancée à 2030.
En développant fortement leurs énergies renouvelables, l'Allemagne, le Danemark, l'Espagne ou le Portugal ont toutefois pris de l'avance sur la France dans le renouvellement du système électrique construit par l'Europe dans les années 1970. Cette avance leur permettra de fermer leur parc charbonné, et de disposer de gains de compétitivité importants, car les énergies renouvelables une fois installées, leur coût marginal de fonctionnement est extrêmement faible.
Enfin, cette avance leur permettra un certain nombre d'innovations et d'évolutions. Ces dix dernières années, la performance de l'énergie photovoltaïque a été multipliée par 10, celle de l'éolien par 3. Au-delà de ces progrès de performances, qui se poursuivront, quoique sans doute pas au même rythme, de nombreuses innovations concernent la participation des énergies renouvelables au fonctionnement des systèmes électriques, à travers notamment les expériences récentes de « Grid Forming » (c'est-à-dire de fonctionnement synchrone de différents équipements électroniques pour fournir une réactivité aux systèmes électriques) dans les fermes éoliennes offshore en Écosse. Lorsqu'en France on envisage de mettre en service de nouveaux EPR en 2035 (et plus vraisemblablement en 2037), leurs performances ne doivent pas être comparées à celles des systèmes fondés sur les énergies renouvelables disponibles aujourd'hui, mais à celles des systèmes reposant sur les énergies renouvelables qui pourront être engagés en 2030.