La décomposition sectorielle de la consommation d'électricité peut varier fortement selon les pays européens. Ainsi, les pays du Sud pourront être moins dépendants du chauffage électrique, mais dépendre beaucoup de l'électricité pour d'autres usages. Dans d'autres pays, c'est l'industrie qui sera beaucoup moins électrifiée. Le niveau moyen de consommation d'électricité pourra néanmoins être homogène entre les pays, et partout en croissance.
À cet égard, la singularité de la France vient notamment du chauffage électrique, qui représente aujourd'hui 30 des 90 gigawatts généralement appelés en période de pointe. D'après les évaluations de RTE, qui font foi en la matière, le gradient thermique en France est de l'ordre de 2,4 gigawatts par degré en moins l'hiver, et cette sensibilité thermique de la France représenterait la moitié de la sensibilité thermique de la plaque électrique européenne.
Lorsque je parlais d'un développement stratégiquement problématique de la consommation d'électricité en France, je pensais donc essentiellement à cette part du chauffage électrique, qui s'est développée, d'abord pour renforcer l'indépendance énergétique en remplaçant le chauffage au fuel, mais très rapidement ensuite pour donner des débouchés à une production nucléaire à l'époque structurellement surcapacitaire. Cela s'est traduit au fil des années par un différentiel d'exigence dans la réglementation thermique, dont résulte aujourd'hui le grand nombre de convecteurs électriques peu performants qui équipent des bâtiments résidentiels et tertiaires dont l'enveloppe est elle-même peu performante.
Le scénario négaWatt recommande ainsi une rénovation complète de l'ensemble du parc bâti d'ici 2050, car nous l'estimons indispensable pour notre sécurité énergétique, au regard des enjeux climatiques, et du point de vue social, compte tenu des réductions de facture énergétique qu'elle pourra entraîner. Cette amélioration de la performance du bâti s'accompagne encore d'une pénétration importante du chauffage électrique, qui atteint 60 % dans le résidentiel, mais sous forme de pompes à chaleur, elles-mêmes performantes. Alors que notre scénario renforce ainsi la part du chauffage électrique (performant dans des bâtiments isolés), de la mobilité électrique et de l'électrification de l'industrie (qui passe de 28 % aujourd'hui à 50 % dans notre scénario en 2050), cela se traduit par une réduction de la pointe électrique, qui est ainsi ramenée à 60 gigawatts, ce qui redimensionne totalement le problème.