La préoccupation de décarbonation était évidemment moins prégnante à l'époque. Par exemple, nous n'envisagions pas la mobilité électrique, le chauffage par les pompes à chaleur ni la production d'hydrogène à partir d'électrolyseurs. De mémoire, les bilans prévisionnels de RTE prévoyaient une augmentation de la consommation, mais celle-ci était modérée. D'ailleurs, ces études dépendaient des prévisions de PIB. Il faut reconnaître qu'un certain suréquipement était lié à des prévisions assez optimistes réalisées dans les années 1980, ce qui rendait nécessaire l'exportation de l'électricité vers les pays voisins et explique la construction d'interconnexions avec l'Angleterre et l'Italie.
Je regrette cependant que le projet de ligne aérienne de 400 000 volts avec l'Espagne n'ait pas abouti, car la ministre de l'environnement de l'époque avait convaincu son Premier ministre d'y renoncer, alors que nous avions reçu toutes les autorisations. Cette décision a d'ailleurs coûté plusieurs milliards de francs au pays. EDF avait en effet signé un contrat commercial avec les groupes électriciens espagnols. Nous avons cependant pu reprendre le projet, mais celui-ci a coûté huit fois plus cher, via une liaison souterraine à travers les Pyrénées.
Je ne connais pas le rapport Charpin, mais je ne pense pas qu'il était nécessaire de disposer de nouvelles capacités. Je regrette par contre que le projet EPR n'ait pas été engagé un peu plus tôt. Chacun connaît les difficultés rencontrées dans le cadre de ce projet, qui ne pouvait d'ailleurs pas être réalisé en cinq ans. Par exemple, la tête de série du palier N4, qui était très innovante en termes de contrôle-commande, a nécessité dix ans avant pour être réalisée. De surcroît, l'EPR représentait un grand pas en avant en termes de sûreté et il était probable que des difficultés soient rencontrées dans la réalisation du projet. M. Henri Proglio a d'ailleurs expliqué que le groupe chargé du génie civil estimait pratiquement impossible de réaliser ce projet.