Même si je reste un observateur attentif de l'actualité et des travaux de votre assemblée, cela fait six ans que je suis éloigné de la vie politique. Je ne peux par conséquent que vous livrer mes souvenirs. Pour préparer cette audition, je n'ai pas fait appel à l'administration pénitentiaire ni demandé de documents particuliers ; je me suis contenté de consulter mes propres archives afin d'apporter tous les éléments utiles à votre commission d'enquête.
Un régime particulier a-t-il été appliqué à Yvan Colonna en raison des faits qui ont conduit à sa détention ? Si telle est votre question, la réponse est non. Je n'ai connu qu'un seul détenu dans ce cas : il s'agit de Salah Abdeslam, pour lequel nous avions effectivement conçu un statut sui generis. Cela a d'ailleurs suscité un contentieux administratif, parce que j'avais décidé qu'il serait surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre par des caméras ; ses avocats avaient contesté cette innovation devant les tribunaux administratifs, lesquels avaient donné raison à la Chancellerie. Je n'ai aucun élément à ma disposition permettant d'affirmer qu'Yvan Colonna n'a pas été soumis à un statut de détenu classique.
S'agissant de la demande de rapprochement et du statut de DPS, je ne crois pas avoir été saisi d'une demande de retrait de M. Colonna du répertoire des DPS. En tout cas, quand je suis devenu garde des Sceaux, il était déjà dans ce répertoire et il y était encore quand j'ai quitté la Chancellerie en juin 2017. J'ai participé à des réunions à Matignon où il a été question des détenus corses, car le Premier ministre et moi-même devions nous rendre sur l'île. La situation d'Yvan Colonna a évidemment été abordée à cette occasion. J'ai argué que deux raisons interdisaient le rapprochement géographique d'Yvan Colonna. Premièrement, la période de sûreté continuait de s'appliquer – c'est en 2021, à ma connaissance, qu'elle a été levée. Deuxièmement, il était condamné à la réclusion criminelle à perpétuité et, à ce titre, incarcéré dans une maison centrale ; or il n'existe pas de maison centrale, ni même de quartier maison centrale, en Corse.
Quant aux liens familiaux, j'ai eu à connaître une seule fois d'une interrogation de cette nature dans ce dossier. Le chanteur Renaud Séchan souhaitait rendre visite à M. Colonna à Arles et m'avait écrit pour me demander d'accélérer les choses. Je n'ai pas donné suite à cette demande, car cela ne relevait pas de mes prérogatives. Néanmoins, je m'étais enquis à cette occasion des possibilités de visites offertes à M. Colonna ; l'on m'avait garanti qu'il avait la possibilité d'en recevoir et que c'était la raison pour laquelle il était incarcéré à Arles, qui, quoiqu'éloignée, accueille la maison centrale la plus proche de la Corse. Je crois d'ailleurs me rappeler qu'il avait un enfant et une ex-femme qui lui rendaient visite. Comme tous les détenus de droit commun, il avait donc la possibilité de maintenir des liens familiaux.