Le cas qui nous occupe, M. Elong Abé, est à part puisqu'il s'est rendu sur un théâtre de guerre en Afghanistan. Il interroge dans la mesure où les services de renseignement nous ont indiqué qu'il était connu pour être en « haut de spectre ». Deux positions, exprimées devant cette commission, s'opposent catégoriquement. La première consiste à dire que les informations ont été communiquées à l'administration pénitentiaire sur cet individu « haut du spectre » connu pour être extrêmement dangereux. Celle-ci ne pouvait donc ignorer qu'il était considéré « haut du spectre ». Selon la seconde, exprimée par les inspecteurs généraux de la justice, l'administration pénitentiaire n'était pas informée du fait que M. Elong Abé était « haut du spectre » ; les inspecteurs eux-mêmes n'étaient pas au courant au moment de l'inspection de fonctionnement conduite à la maison centrale d'Arles. L'Inspection nous a même expliqué qu'il aurait été impossible pour lui d'obtenir un emploi d'auxiliaire au sein de la prison si l'administration pénitentiaire avait été informée de ces faits. Ce grand écart paraît troublant.
Le non-transfert en QER de cette personne reste en outre incompris en dépit des cinq recommandations unanimes en faveur d'un transfert, dont l'une à Alençon-Condé-sur-Sarthe avec l'avis favorable du directeur de l'établissement et de la DISP Grand-Ouest – Rennes. L'IGJ relève que la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) a suivi l'avis réservé du JAPAT et très réservé du parquet pour ne pas le transférer, alors que l'avis est unanime au niveau local d'un point de vue pluridisciplinaire et de la hiérarchie de l'administration pénitentiaire. Quatre autres avis ont été unanimes à Arles mais là, c'est carrément la directrice de l'établissement elle-même qui n'a pas transmis les procès-verbaux à sa hiérarchie. On nous a dit que la quatrième et dernière recommandation pour orienter en QER suivait son chemin, mais ce n'était pas le cas puisqu'elle n'a même pas été instruite. Ces éléments posent question concernant cet individu.
Le rapport de l'IGJ précise que ces dernières années, sur 500 terroristes islamistes (TIS), 487 sont passés en QER et 13 n'ont pas été orientés. Les deux motifs de non-orientation de ce type d'individus en QER sont des motifs automatiques : soit les individus sont connus, soit se pose une problématique liée aux enquêtes judiciaires. M. Elong Abé ne relevait pas de ces deux critères. Nous nous demandons donc combien d'individus de ce type ont fait l'objet d'une telle exception parmi les 13 TIS en question. Est-il le seul, et pourquoi ? Ma première question porte sur les raisons de l'avis très réservé du parquet en ce qui concerne le premier transfert en QER. Par ailleurs, cet individu, né en France, parti en Afghanistan, était un combattant. Les images diffusées dans la presse montrent qu'il s'agit d'une personne qui tue de sang-froid, de manière très méthodique. Lorsqu'il entre dans la salle de sport, il ne donne pas l'impression d'être troublé par les caméras. Entre le moment où M. Elong Abé a été intercepté par les autorités américaines et celui où il a été remis aux autorités françaises, environ deux ans se sont écoulés. Êtes-vous en possession d'informations sur la façon dont cet individu a été « traité » par les services de renseignement avant d'être introduit dans le parcours carcéral ? Nous allons formaliser une demande de déclassification de certains dossiers, ce qui nous paraît important pour remonter toute la chaîne d'information sur ce qui nous paraît être une exception au regard de ce que vous nous dites du parcours de cet individu jusqu'à l'acte perpétré à Arles.