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Intervention de Géraldine Bannier

Réunion du mercredi 25 janvier 2023 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGéraldine Bannier, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Si la commission des affaires culturelles s'est saisie pour avis de ce texte, c'est parce qu'il comporte deux dispositions qui auront un impact, l'une sur la filière des imprimés et papiers graphiques – autrement dit, sur tout le papier qui n'est pas destiné à l'emballage – et l'autre sur la filière de la presse papier.

La genèse de ce texte remonte à la loi Agec, dont les grands axes visent à réduire notre production de gaz à effet de serre, à mieux organiser le tri et le recyclage de nos déchets et à responsabiliser les producteurs ou metteurs sur le marché – autant d'objectifs vertueux en matière d'environnement. Les producteurs doivent ainsi s'acquitter de leur obligation en mettant en place collectivement des éco-organismes agréés dont ils assurent la gouvernance et auxquels ils transfèrent leur obligation par le versement d'une contribution financière.

Dans le cas de la collecte et du recyclage des emballages ménagers et du papier, c'est l'éco-organisme Citeo qui, depuis 2017, vise à renforcer la compétitivité. Au demeurant, les poubelles et containers à déchets – les bacs jaunes – étant déjà communs dans une grande partie de notre territoire pour les déchets d'emballages et le papier à usage graphique, il peut paraître opportun, à première vue, de renforcer cette synergie en fusionnant les deux filières à responsabilité élargie que sont la filière emballages et la filière imprimés et papiers graphiques.

Les conséquences de cette fusion qui, de l'avis d'acteurs que nous avons auditionnés, réduirait nécessairement les coûts de structures, doivent cependant être bien évaluées. De fait, cette fusion regrouperait une filière REP emballages en bonne santé économique, très polluante et produisant des déchets très nombreux avec une filière REP imprimés et papiers graphiques fragilisée depuis de nombreuses années et plutôt vertueuse en matière environnementale.

Ces acteurs n'ont d'ailleurs pas manqué, lors des auditions auxquelles nous avons procédé, d'appeler l'attention du législateur sur leur situation. Ainsi, Copacel, l'Union française des industries des cartons, papiers et cellulose, se montre assez réticente à cette fusion, d'abord parce qu'elle unifiera deux cahiers des charges bien distincts, en en créant un nouveau qui sera sans doute plus dense et plus complexe ; ensuite parce que, dans cette filière unifiée, celle des imprimés et papiers graphiques ne pèsera que pour 10 % des déchets produits face à celle des emballages, alors qu'elle ne pèse déjà que 120 millions d'euros, contre 1 milliard pour cette dernière. Autrement dit, elle sera de faible poids face à une filière en pleine expansion.

Enfin, l'une des réticences des acteurs de la filière papiers graphiques porte sur la fin, prévisible selon eux, du taux d'acquittement dont elle bénéficie jusqu'à présent – c'est-à-dire le rapport entre le tonnage des déchets de papiers graphiques qui s'acquittent de leurs contributions et celui de l'ensemble des papiers graphiques assujetti à la filière. Le calcul de ce taux d'acquittement déduit le pourcentage des assujettis qui ne remplissent pas leurs obligations – les free riders, ou passagers clandestins, c'est-à-dire la masse de déchets papier d'origine étrangère et inconnue, ainsi que ceux qui en sont exonérés, soit un total de 13,5 %.

Concrètement et pour faire simple, la prise en compte du taux d'acquittement représentait une aide financière substantielle pour la filière imprimés et papiers graphiques. Il faut toutefois rappeler aussi que ce qui était une aide pour cette filière était nécessairement perçu comme une charge financière supplémentaire par les collectivités locales chargées de la gestion des déchets, qui prenaient à leur charge la collecte, le tri et le recyclage de ces papiers, dont les émetteurs ne payaient pas d'écocontribution.

Un scénario probable, qui répondra peut-être aux attentes des acteurs de la filière papiers graphiques et des collectivités locales, est qu'à terme, la filière emballages puisse compenser ce manque à gagner venu de la filière imprimés et papiers graphiques en l'aidant à supporter financièrement ces coûts, puisque cette filière bénéficie, à l'inverse, d'une hausse forte et constante de son chiffre d'affaires. L'éco-organisme Citeo pourrait également supporter ces coûts liés aux free riders en lieu et place des collectivités locales. Voilà pour le premier volet de cette proposition de loi, relatif à la fusion des deux filières.

Le deuxième volet, très important, porte sur la situation de la presse et son exemption de cette nouvelle filière fusionnée, conditionnée à la mise en place d'encarts consacrés au thème de la transition écologique. Il est évident, d'un point de vue principiel, que la presse papier ne peut être regardée comme un simple déchet. En effet, si la presse est un produit potentiellement jetable, sa vocation n'est pas d'être immédiatement mise aux ordures comme un carton d'emballage ou un emballage plastique. Comme pour la filière imprimés et papiers graphiques, il est presque devenu banal de rappeler que la presse est devenue un acteur économique fragile. La France ne dispose plus que d'un seul site de production de papier de presse : l'usine de Golbey, dans les Vosges, qui fabrique de la pâte de papier récupéré, de la pâte de bois et du papier. Un député nous rappelait hier à ce propos qu'une seule machine produit désormais le papier journal dans cette usine, après conversion de la seconde ligne pour la production de carton.

À propos de la fabrication du papier, de nombreuses contrevérités continuent de circuler, proférées parfois par des acteurs influents. Il n'est pas vrai que l'on abat des forêts entières pour éditer nos journaux ou nos livres. Que ce soit pour l'édition ou pour la presse, le papier est constitué à 75 % de papier recyclé et à 25 % de fibres nouvelles, prélevées sur des chutes de scieries et nécessaires pour atteindre une certaine blancheur et une certaine qualité du papier, et pour en permettre ensuite le recyclage. Seuls certains quotidiens sont fabriqués avec du papier intégralement recyclé.

Quant aux huiles nécessaires pour l'impression de la presse en quadrichromie, des efforts sont faits, quand cela est possible, pour les rendre plus respectueuses de l'environnement et remplacer les huiles minérales par des huiles végétales. Malgré une petite musique assez insistante qui tend à la diffuser, l'idée selon laquelle les médias papiers seraient polluants, tandis que les médias dématérialisés ne le seraient pas, est fausse, car le numérique est largement plus polluant par son fonctionnement. En effet, envoyer 12,3 mails par jour pendant un an, soit 4 500 mails à l'année, pollue autant que parcourir 100 kilomètres en voiture, et un mail consomme en moyenne 4 grammes de CO2.

La presse ne saurait être comparée à un bidon de lessive ou à une cloison de Placoplatre. Loin d'être un déchet comme un autre, elle transmet, comme les livres, un message signifiant, s'adresse à un public, un lectorat qu'elle a pour vocation d'informer, de faire réfléchir et d'édifier. C'est pourquoi, en tant que rapporteure pour avis, je soutiens sans réserve la proposition contenue dans ce texte de sortir de la filière REP les publications de presse définies à l'article 1er de loi du 1er août 1986, que notre pays est d'ailleurs le seul à avoir incluses, en 2017, dans une filière REP.

Il faut ainsi maintenir et préserver le dispositif très simple instauré par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoit que les journaux contribuent aux objectifs de transition écologique en mettant à disposition des encarts publicitaires relatifs aux bons gestes de tri. Certains titres de presse choisissaient de ne pas mettre à disposition de tels encarts, versant en contrepartie une contribution financière. La présente proposition de loi vise à reproduire ce mécanisme en obligeant les acteurs de la presse sortie de la filière REP à participer à la réponse que nous devons apporter aux enjeux de la transition écologique. Ces acteurs, notamment les syndicats d'éditeurs, signeraient alors avec les ministères de l'environnement et de la communication une convention de partenariat qui aboutirait à l'insertion d'encarts publicitaires relatifs à la transition écologique, thème élargi par rapport à celui du tri des déchets, précédemment prévu, afin de sensibiliser nos concitoyens, qui sont par ailleurs aussi consommateurs, à la nécessité de la sobriété ou à toutes les formes de pollution, y compris numérique.

J'ai, à ce propos, fait adopter hier soir en commission des affaires culturelles un amendement demandant que le ministère chargé des collectivités locales soit cosignataire de cette convention. En effet, des messages relatifs au tri et au recyclage pourraient ainsi être déclinés plus localement et le travail pourrait être mené avec la PQR et les collectivités.

Cette convention serait revue tous les trois ans, comme le proposera un amendement du rapporteur au fond. L'intérêt de ces conventions révisées serait de permettre, par un dialogue permanent avec les éditeurs de presse et leurs syndicats représentatifs, d'intégrer, au fil des évolutions techniques, des critères d'écoresponsabilité soutenables – dont ils respectent, du reste, déjà un bon nombre.

En somme, il s'agit, avec ce dispositif, de continuer à faire fonctionner un système qui fonctionne plutôt bien, au moyen du concours en nature. Citeo, l'éco-organisme chargé des filières REP emballages et papiers graphiques, affirme au demeurant que la presse remplit bien ses obligations et son rôle dans ce cadre, puisque 85 % du financement dont elle s'acquitte est effectué en nature.

À titre personnel, je ne suis pas favorable à ce que les conventions de partenariat nouvellement créées établissent une distinction en fonction des titres de presse, dès lors que nous parlons de publications définies précisément à l'article 1er de la loi du 1er août 1986.

Il faut, en outre, apporter un soutien aux collectivités locales afin que les recettes perdues soient compensées à due concurrence, dans un contexte d'inquiétudes fortes liées à la question annexe de la hausse de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes. Il faut aussi veiller à l'avenir de la filière imprimés et papiers graphiques hors presse. Sa fusion avec le géant qu'est, à côté d'elle, la filière REP emballages pourrait se faire à condition de porter une attention accrue à ce secteur fragile, mais qui reste apprécié de nos concitoyens. Le papier autre que d'emballage reste une matière à part, sensible dans tous les sens du terme et porteuse de solutions pour l'avenir.

Enfin, il faut absolument perpétuer la possibilité offerte à la presse de s'acquitter de sa contribution en nature, afin de permettre à ce secteur en difficulté de poursuivre l'adaptation de son modèle. Nul ne peut réellement augurer de l'avenir de la presse papier. La vertu écologique en ce domaine n'est pas forcément celle que l'on croit. La presse doit encore être défendue pour sa vertu patrimoniale, démocratique et, évidemment, culturelle.

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