Intervention de Denis Masséglia

Réunion du mercredi 25 janvier 2023 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Masséglia, rapporteur :

La presse est dans une situation très critique. Elle souffre de difficultés conjoncturelles majeures, qui viennent s'ajouter aux fragilités structurelles du secteur. En 2022, 3,6 millions d'exemplaires relevant de la presse régionale étaient imprimés chaque jour, contre 5,6 millions dix ans auparavant. Ce seul chiffre illustre la baisse des ventes et la raréfaction du lectorat. Le prix de la tonne de papier a doublé en un an, pour atteindre près de 900 euros en 2022, ce qui, selon les estimations de la filière, représente un surcoût de 120 millions d'euros. Si l'ensemble de la presse est touché à des degrés divers, la presse quotidienne régionale (PQR), dont la pagination est importante, l'est particulièrement. La hausse du coût de l'énergie affecte également le coût de distribution, de transport et de fabrication de la presse. La presse numérique n'est pas épargnée, avec l'augmentation des tarifs des hébergeurs. En somme, si les éditeurs parviennent à absorber une part de la hausse de ces coûts, au moyen notamment de l'augmentation des prix et d'une réduction de la pagination déjà appliquées par une majorité d'éditeurs, le risque de déstabilisation de tout le secteur est réel.

En parallèle, il convient de rappeler que la presse est, depuis 2017, incluse dans la filière à responsabilité élargie (REP) des producteurs de papiers graphiques. Toutefois, étant considérée comme un secteur particulièrement sensible, au même titre que le livre, la presse bénéficiait d'une dérogation lui permettant de contribuer à cette filière sous la forme de prestations en nature, par la mise à disposition d'encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur la nécessité de favoriser le geste de tri et le recyclage du papier. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, ou loi Agec, a mis un terme à ce régime dérogatoire, disposant qu'à compter du 1er janvier 2023, l'écocontribution de la presse devait se faire en numéraire. La charge que représente ce financement direct pour la presse est estimée entre 15 et 22 millions d'euros.

Le texte que nous examinons propose ainsi d'exempter de cette charge la presse de la filière REP des papiers graphiques, à la condition que soit signée et mise en œuvre une convention de partenariat avec l'État l'engageant à mettre à disposition gratuitement des encarts destinés à communiquer auprès des lecteurs sur la transition écologique. Élargissant le champ des messages diffusés depuis de nombreuses années, ces encarts seront accessibles à l'État et, le cas échéant, aux agences, éco-organismes et collectivités territoriales. La convention de partenariat sera un outil négocié avec les syndicats de presse. Elle incarnera la volonté de l'État et la nôtre de continuer d'attendre de la presse un engagement total pour garantir des processus de fabrication plus propres et durables et le recyclage des déchets issus de son activité.

Je propose d'inscrire dans le texte, en amont du décret d'application, les objectifs précis que nous souhaitons donner à cette convention. D'une part, les encarts seront conçus comme un outil pour les collectivités territoriales, les EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – et les associations, qui pourront ainsi communiquer en direction du grand public sur la politique de tri et de recyclage à l'échelle locale, par exemple. À cet égard, les collectivités seront consultées en amont de la signature de la convention. Elles seront ensuite amenées à organiser avec les publications de presse, au niveau national ou local, les modalités d'usage de ces encarts.

D'autre part, seront fixées des exigences environnementales garantissant des avancées dans les efforts réalisés par la presse depuis des années en contrepartie de son écocontribution en nature. En effet, jusqu'au 31 décembre 2022, les éditeurs de presse pouvaient bénéficier du système de contributions en nature. À cette fin, ils devaient déclarer et respecter plusieurs critères relatifs à l'usage de papier recyclé, à la provenance du papier, à l'usage des huiles minérales, qui sont destinées à disparaître, et à l'élimination de produits perturbateurs du recyclage. Je souhaite un accroissement de ces exigences, qui visaient notamment, je le rappelle, pour ce qui concerne le papier journal, à ce que les éditeurs de presse garantissent l'incorporation d'au moins 75 % de papier recyclé dans leurs publications. L'objectif de ces critères est de faire du papier journal et du papier des magazines des produits hautement recyclables, et de contribuer ainsi à une chaîne vertueuse de fabrication et de réutilisation.

Je propose également que cette convention soit signée pour une durée de trois ans renouvelable, afin que puisse être évalué, à terme, le respect des critères qu'elle prévoit. Par ailleurs, le fait de bénéficier d'un tel dispositif d'encarts revêt une grande importance pour les collectivités territoriales, car l'information sur les gestes de tri et l'économie circulaire reste nécessaire pour sensibiliser les Français.

La question des filières REP nous a conduits à nous intéresser également à celle de l'emballage ménager, dont l'écocontribution est de l'ordre de 900 millions d'euros par an et dont le principal éco-organisme agréé est Citeo – qui joue du reste le même rôle pour la filière des papiers graphiques.

Dans une logique de synergie et en concertation avec le Gouvernement, le texte propose la fusion des filières emballages ménagers et papiers graphiques. L'organisation de cette nouvelle filière relève du pouvoir réglementaire, qui pourrait prévoir pour elle un cahier des charges unique. L'objectif est que l'organisation de la responsabilité élargie des producteurs d'emballages ménagers et des producteurs de papiers graphiques se fasse au sein d'un éco-organisme agréé, s'ils le souhaitent simultanément, pour les deux grandes catégories de produits. Finalement, il convient de donner à la presse des outils pour prendre pleinement part aux défis de la transition écologique tout en l'accompagnant face à la crise qu'elle traverse, dans un souci notamment de préserver la PQR sur l'ensemble de notre territoire.

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