Je me réjouis que nous reprenions en deuxième lecture la proposition de loi visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée, sur laquelle tous les groupes politiques, sans exception, avaient bien travaillé depuis le début de son parcours. Le Sénat a repris nos derniers travaux presque tels quels.
Il était urgent que la représentation nationale se saisisse pleinement du phénomène de l'engrillagement excessif des espaces naturels. Chacun l'a observé, la multiplication des clôtures dans les espaces naturels doit être stoppée, car elle pose de nombreux problèmes environnementaux.
La multiplication des grillages porte atteinte à la biodiversité et contribue à la rupture des continuités écologiques.
Par ailleurs, les incendies dramatiques que nous avons connus cet été ont montré qu'ils constituent un réel danger pour la sécurité publique. Il est essentiel que l'intervention des pompiers ne soit pas ralentie par des clôtures, et que les animaux – nous avons vu des images terribles – ne soient pas pris au piège des feux.
En outre, les clôtures ont un impact paysager préoccupant pour le développement du tourisme rural et l'esthétisme des forêts. Il est parfois difficile, pour les promeneurs, de circuler librement, même sur des chemins communaux.
Quant aux espaces clôturés utilisés à des fins cynégétiques, leur engrillagement constitue un risque sanitaire et soulève des problèmes éthiques indéniables. La présente proposition de loi n'est ni favorable ni défavorable à la chasse, mais elle a recueilli le soutien de nombreux chasseurs.
Quelques grands propriétaires milliardaires, dans leurs terrains clôturés, tuent des dizaines de bêtes en une journée. Le soir venu, à l'abri du contrôle des agents de l'Office français de la biodiversité (OFB), ils creusent un trou à la tractopelle, y déversent les cadavres de biches et de chevreuils, de la chaux vive, et rebouchent. Je peux vous donner des dates et des lieux. Ils ne sont pas nombreux, mais ce sont toujours les mêmes. Chasseurs et défenseurs de la biodiversité soutiennent donc conjointement le texte, ce qui explique la convergence de vues entre les sénateurs et nous.
En première lecture, nous avons significativement relevé l'ambition du texte initial. Nous avons élargi l'application des nouvelles dispositions à toutes les zones naturelles et forestières définies par les plans locaux d'urbanisme. Nous avons étendu la rétroactivité de la loi à trente ans – toutes les clôtures construites à compter de 1993 devront donc être mises en conformité. Nous avons précisé les exceptions : les clôtures entourant des parcelles agricoles, nécessaires à la préservation de la régénération forestière, érigées dans un cadre scientifique, revêtant un caractère historique ou patrimonial, ou encore entourant des domaines nationaux ou des parcs d'entraînement et de concours. Nous avons également créé une obligation de déclaration préalable pour toute opération d'effacement de clôture portant atteinte à l'environnement.
Nous avons accru les pouvoirs de contrôle des agents de développement assermentés des fédérations départementales des chasseurs, notamment en supprimant le droit d'opposition des propriétaires. Nous avons créé une contravention pour pénétration non autorisée dans une propriété privée dont les limites sont matérialisées, en nous décidant finalement pour une contravention de quatrième classe plutôt que de cinquième. Nous avons réservé l'utilisation du fonds Biodiversité au remplacement des clôtures par des haies naturelles bénéfiques à la biodiversité locale. Nous avons interdit l'agrainage et l'affouragement en enclos, en ménageant quelques exceptions.
La présente proposition de loi est l'aboutissement de plusieurs travaux parlementaires, notamment la proposition de loi visant à lutter contre l'engrillagement des forêts françaises, déposée par le député ici présent M. Cormier-Bouligeon, la proposition de loi relative à l'interdiction des mises sous enclos d'animaux sauvages à des fins de chasse, déposée par le député M. Lachaud, et la proposition de loi visant à lutter contre l'extension de l'engrillagement de parcelles privées dans nos provinces et à renforcer le droit de propriété, déposée par l'ex-député M. Peltier.
La commission des affaires économiques du Sénat a adopté conformes les dispositions du texte, à l'exception de l'article 5, amendé en vue de préciser le champ d'application de l'interdiction de l'agrainage et de l'affouragement. Ce texte fait donc l'objet d'un large consensus entre députés et sénateurs. Je salue le travail et l'engagement des membres du Sénat, notamment Jean-Noël Cardoux, auteur de la proposition de loi, et Laurent Somon, son rapporteur, avec lesquels nous avons travaillé en étroite collaboration pour que le texte soit adopté au plus vite.
L'article 5, qui seul reste en discussion, précise que l'interdiction de l'agrainage et de l'affouragement s'applique aux enclos empêchant le passage des animaux non domestiques, et que des exceptions pourront être prévues par décret. Le cadre général des exceptions sera inscrit dans le schéma départemental de gestion cynégétique (SDGC).
S'agissant des enclos non hermétiques, le texte ne prévoit aucune modification législative. L'agrainage et l'affouragement sont autorisés dans les conditions définies par le SDGC, et le préfet a le dernier mot.
La philosophie et l'équilibre global du texte me semble respectés. Je ne présenterai donc pas d'amendement à l'article 5 et j'encourage chacun à faire de même. J'espère que notre travail en commission permettra de mettre en œuvre rapidement les dispositions de la proposition de loi. Nous avons besoin que les animaux sauvages restent sauvages et puissent bouger librement. Grâce à un consensus global, entre nous et avec les sénateurs, nous faisons en sorte que tel soit le cas sans tarder.