Au premier abord, cette proposition de loi m'a paru s'inscrire dans l'accélération de la transition écologique que nous avons impulsée pour ne pas figurer parmi les témoins attentistes des drames que provoque le changement climatique. J'y ai vu une idée politiquement attrayante permettant de donner leur effectivité aux principes de la Charte de l'environnement et donnant suite aux travaux de notre ancienne collègue Muschotti.
Toutefois, à y regarder de plus près, cette proposition se heurte à plusieurs limites, d'ailleurs mises en exergue lors des auditions que vous avez menées.
Se pose tout d'abord la question de l'articulation avec les prérogatives du Défenseur des droits, qui dispose déjà de moyens d'agir pour la défense des droits définis dans le code de l'environnement ou du droit à un environnement sain, reconnu en septembre dernier par le Conseil d'État comme une liberté fondamentale. Les contours d'une nouvelle autorité concurrente, qui défendrait, qui plus est, un droit dont la personnalité juridique n'est pas acquise, paraissent à ce stade assez imprécis.
Néanmoins, vous mettez en lumière une préoccupation que nous partageons concernant le manque de lisibilité des moyens d'interpeller les pouvoirs publics sur les enjeux environnementaux. Notre majorité défend la logique du guichet unique dès lors que des dispositifs rendent contraignant l'exercice de droits. C'est une question démocratique à laquelle il faut apporter des réponses, le cas échéant en fusionnant certaines instances, comme vous le suggérez. Leur fonctionnement et leurs compétences étant toutefois extrêmement variés, un simple rapprochement de lignes budgétaires ne serait pas suffisant. La sûreté nucléaire, l'accès à l'eau, les nuisances aéroportuaires ou les problèmes d'approvisionnement en énergie ne sont pas soumis aux mêmes risques et ne répondent pas aux mêmes logiques.
Concernant la capacité à évaluer les impacts de nos politiques sur l'environnement, la création du secrétariat général à la planification écologique, l'année dernière, a été une avancée importante mais il reste du chemin à parcourir. Nous devons repenser les moyens de l'évaluation et du contrôle parlementaires. Donner cette responsabilité à une autorité qui dessaisirait le Parlement de ses prérogatives doit être analysé au regard de nos missions et de la perception de nos concitoyens de la capacité réelle du politique à agir. C'est à nous, collectivement, d'incarner l'écologie. Notre majorité, qui mène ce combat, a engagé des transformations majeures dans la lutte contre le changement climatique afin d'atteindre l'objectif de neutralité carbone en 2050 – arrêt de grands projets d'artificialisation, interdiction de location de passoires thermiques, augmentation de la part du renouvelable dans notre mix énergétique pour être le premier pays à sortir du fossile.
Si les enjeux que vous soulevez sont cruciaux en matière écologique, un changement constitutionnel visant à créer une nouvelle institution ne peut sérieusement faire l'objet d'une proposition de loi qui comporte de tels biais. Le projet mériterait de s'inscrire dans une réflexion plus globale, plus aboutie quant aux missions, attributions et compétences d'une nouvelle autorité. Il serait intéressant d'aborder ce sujet au sein de la commission transpartisane qui aura pour ambition de repenser l'architecture de nos institutions et de redonner de la vitalité démocratique à notre pays.
Aussi, tout en reconnaissant la démarche positive ici engagée, il nous semble que la solution proposée ne répond pas au problème posé du renforcement de l'effectivité des normes environnementales et ne définit pas suffisamment les contours de cette entité. C'est pourquoi notre groupe votera contre ce texte.