Intervention de Emeline K/Bidi

Réunion du mercredi 1er février 2023 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmeline K/Bidi :

Cette proposition de loi vise à renforcer l'ordonnance de protection et préconise des avancées, que nous approuvons.

L'ordonnance de protection est une procédure rapide, pour laquelle le juge dispose de pouvoirs importants. Ce qui, en théorie, la rend très efficace. En théorie seulement, car dans les faits, elle est peu utilisée et lorsqu'elle l'est, elle aboutit rarement à une ordonnance de protection.

Si la vraisemblance des faits de violence ne pose pas vraiment de difficulté, il en va autrement de la preuve d'un danger. Cela exclut quasi systématiquement les victimes qui ont pu se mettre à l'abri en quittant le domicile familial. Chaque fois que la victime est partie, et si elle n'est pas poursuivie par les assauts de son conjoint violent ou par ses menaces, le juge considère qu'elle n'est plus en danger. Et comme elle n'est plus en danger, elle n'est pas protégée. C'est donc la double peine : la victime de violences qui est partie ne retrouve pas le domicile conjugal et n'est pas protégée dans des délais brefs.

La proposition de loi présente des avancées indispensables pour protéger efficacement les victimes, femmes, enfants ou conjoints violentés en général. Pour la rendre encore plus efficace et accessible, nous nous sommes permis de présenter quelques amendements. Les évolutions que nous proposons ont été réfléchies, travaillées en collaboration étroite avec les associations d'aide aux victimes de violences intrafamiliales, avec le parquet et avec les deux barreaux de La Réunion, dont je salue le travail acharné pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux enfants, un véritable fléau sur l'île. Nous avons tissé un réseau important, auquel prennent part tous les élus, de tous bords.

À La Réunion, où je suis élue, 2 050 femmes ont été suivies par les associations en 2022, pour des problématiques de violences intrafamiliales. Chaque jour, sept Réunionnaises en moyenne ont déposé plainte pour ce type de fait, tandis que quarante et un TGD ont été attribués. Pourtant, vingt-quatre ordonnances de protection seulement ont été délivrées. Au total, seulement 3,5 % des femmes portent plainte, 1 % font appel aux associations.

J'exerce la profession d'avocate à La Réunion. Nos amendements ont été nourris par notre pratique, concrète et malheureusement habituelle de l'ordonnance de protection. Nous déposons quasiment une demande par mois. Pour ces amendements, nous nous sommes placés au plus près du terrain, à la fois en demande et en défense. Nous nous sommes demandé quoi faire pour améliorer le texte, mais aussi pour qu'il n'engendre pas d'abus ou des détournements de procédure.

À l'évidence, il est nécessaire d'assouplir les conditions de délivrance de l'ordonnance de protection ; j'ai déposé un amendement en ce sens. Il nous paraît également indispensable de conserver le caractère d'urgence de cette procédure. L'ordonnance de protection relève de l'extrême urgence. Elle est plus rapide qu'une procédure classique, plus rapide qu'une procédure de référé. Au regard des pouvoirs exceptionnels du juge et de l'effort que cette procédure demande au personnel de justice, il nous faut veiller à ce qu'elle ne devienne pas la procédure de droit commun. Je tiens, à cet égard, à saluer le travail des magistrats et des greffiers, qui accomplissent un travail exceptionnel pour parvenir à délivrer une ordonnance de protection en six jours. On a l'habitude de se plaindre de la lenteur de notre justice ; il faut savoir également reconnaître quand elle fait vite et bien.

En supprimant purement et simplement la condition de danger dans le texte actuel, il ne reste plus de référence à la notion d'urgence. J'ai donc déposé un amendement, dont nous discuterons dans quelques instants.

Deuxième point d'importance : le champ d'application de cette ordonnance. Nous avons déposé un amendement pour l'étendre aux enfants victimes de violences en dehors du couple. La démarche est simple : il s'agit d'offrir une protection maximale aux enfants, qui sont les adultes de demain. C'est en les protégeant efficacement aujourd'hui que nous verrons le fléau des violences intrafamiliales diminuer dans les années à venir.

Merci donc pour cette proposition de loi. Nous avons hâte d'en débattre.

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