La question des violences intrafamiliales nous préoccupe tous, sans distinction, au sein de notre commission. En tant que législateurs, il est impératif que nous puissions garantir aux victimes qu'elles seront entendues, mais aussi protégées contre toute atteinte à leur intégrité physique ou psychique.
En 2022, 124 femmes ont été tuées, contre 122 en 2021 et 102 en 2020. Le confinement a agi comme un révélateur des violences conjugales, en les aggravant parfois. Cet accroissement alarmant doit nous interroger quant à notre capacité à donner les moyens, humains et juridiques, pour assurer la préservation des intérêts des victimes.
Quel est l'état de l'arsenal juridique en France ? Notre législation ne cesse d'évoluer, pour améliorer la prévention et la répression, en s'appuyant sur des études et sur le travail des associations, qui sont en prise directe avec la réalité. Ainsi, après le cinquième plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes, à l'automne 2019, le Gouvernement a organisé le premier Grenelle contre les violences conjugales sur la base d'un constat : en France, une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint. La majorité a déployé une stratégie de lutte contre les violences conjugales, afin de prévenir les violences, de protéger les victimes et leurs enfants et de mettre en place un suivi et une prise en charge des auteurs de violence, pour éviter la récidive.
Selon les mots d'Ernestine Ronai, « l'ordonnance de protection est la première marche de protection pour les femmes victimes, car elle peut être déposée sans plainte. Il est important de préciser qu'elle n'a pas pour objet la condamnation de l'auteur, mais la protection de la victime. Il s'agit d'appliquer le principe de précaution. » Je crois comprendre, madame la rapporteure, que vous souhaitez faire primer ce principe, et lui seul. Notre groupe partage ce dessein.
Renforcée en 2020, cette mesure d'urgence qu'est l'ordonnance de protection peut être délivrée par le juge aux affaires familiales à une double condition : qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblable la commission de faits de violence allégués ; qu'il existe un danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés. Or de nombreux sachants, en particulier au sein du Cnop, dénoncent cette formulation qui complexifierait le travail du juge et limiterait la délivrance d'ordonnances de protection. Depuis bientôt deux ans, la suppression de la référence au danger est ainsi préconisée.
En effet, l'appréciation du danger séparément des faits de violence allégués donne lieu à de nombreuses décisions de rejet. Cette séparation et l'absence de réitération de faits de violence sont considérées comme caractérisant l'absence de danger. Les violences physiques, la plainte récente et le certificat médical concomitant, qui confirme ou précède les déclarations faites au commissariat, sont les critères prépondérants retenus par le juge.
Dans ces conditions et au regard de l'urgence, donnons au juge les moyens juridiques de délivrer cette mesure, en restant vigilants aux éventuels effets de bord qu'une suppression sèche pourrait induire, qu'ils soient liés à des questions de constitutionnalité ou de praticité, voire de dévoiement des procédures ou de la mesure.
Notre groupe accompagnera toute démarche tendant à la préservation des intérêts des victimes et covictimes de violence conjugales.