Merci de m'accueillir au sein de votre commission, pour vous faire part des réflexions du rapport pour information de la délégation aux droits des enfants sur cette proposition de loi.
Le droit a évolué ces dernières années dans le sens d'une protection plus effective des enfants. Toutefois, il demeure lacunaire, tandis que « notre société est malade des violences intrafamiliales », selon le pédopsychiatre Luis Alvarez. Il est urgent de réagir. Ce texte d'Isabelle Santiago est donc important et justifié.
L'extension des cas de suspension automatique de l'exercice de l'autorité parentale proposée par l'article 1er me paraît cohérente. Il n'est pas justifié que cette suspension ne concerne actuellement que les crimes commis par un parent contre l'autre. Je suis pleinement convaincue par une telle mesure conservatoire durant l'instruction, dans les cas prévus par cet article.
Dans sa version initiale, la proposition de loi comporte toutefois quelques imperfections. Elle mérite d'être enrichie et précisée, car elle ne définit pas clairement son objet, à savoir les violences intrafamiliales. Elle alterne les notions de violences conjugales et d'inceste sans poser de lien entre elles et se focalise sur le viol, excluant de son dispositif les agressions sexuelles et les actes d'une exceptionnelle gravité, tels que les actes de torture et de barbarie.
L'automaticité du retrait de l'autorité parentale présente, par ailleurs, des risques tant juridiques que pratiques. Concernant les premiers, il n'est pas certain qu'un tel mécanisme soit conforme aux principes constitutionnels d'indépendance des fonctions juridictionnelles et d'individualisation des peines ainsi qu'au contrôle de proportionnalité exercé par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). S'agissant des seconds, elle est susceptible de produire des conséquences non voulues par son auteur : instrumentalisation des procédures ; privation de tout lien familial ; risque de relaxe pour excessive sévérité de la sanction.
Je propose donc de nuancer le dispositif prévu. Le retrait automatique est, à mon sens, justifié uniquement dans le cas de crimes et d'agressions sexuelles commis sur l'enfant, sous réserve de préciser dans le texte que ce principe vaut à défaut de motivation contraire expresse du juge. Dans les autres cas de figure, il faudrait plutôt privilégier un dispositif de saisine obligatoire du juge et favoriser les ordonnances de protection.
Ce texte gagnerait également à être complété, notamment par l'insertion d'un article additionnel ajoutant un nouveau cas de délégation forcée de l'autorité parentale.
Par ailleurs, dans la continuité des travaux que nous avons conduits avec mes collègues sur la proposition de loi Tamarelle-Verhaeghe, il me semble nécessaire de réfléchir au statut de l'enfant exposé aux violences conjugales ainsi qu'au suivi psychologique dont il pourrait bénéficier.
Sous ces quelques réserves, je salue le travail de la rapporteure sur ce texte, qui va dans le bon sens. J'espère que, tous ensemble, nous parviendrons à insuffler une dynamique de cohérence et de renforcement du droit relatif à la protection des enfants.