Selon les mots de Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies, rien n'est plus important que de bâtir un monde dans lequel tous nos enfants auront la possibilité de réaliser pleinement leur potentiel et de grandir en bonne santé, dans la paix et dans la dignité.
À La Réunion, chaque jour, sept enfants sont identifiés comme étant en danger par la cellule de recueil des informations préoccupantes (Crip). Depuis 2019, les signalements directs ont augmenté de 60 % et il y a eu quatre fois plus de saisines du parquet par la Crip. Encore n'est-ce là que la partie émergée de l'iceberg.
À La Réunion comme en métropole, les angles morts et la lenteur de la justice peuvent tuer et ont déjà tué. En 2019, après des violences et de nombreuses menaces proférées par son mari devant leurs enfants, une jeune femme quitte le foyer familial pour s'installer avec ces derniers dans un centre d'hébergement. Deux mois plus tard, à leur demande, elle leur accorde quelques jours en compagnie de leur père. Alors qu'elle s'apprête à les récupérer, l'homme tue leurs trois fils, âgés de 2, 3 et 5 ans. Dans les trois mois qui ont précédé ce crime, deux mains courantes et une plainte avaient été déposées. Cette affaire, qui n'est ni anodine ni isolée, est la preuve qu'en cas de violences intrafamiliales, le temps est assassin et peut emporter avec lui la vie de nos enfants.
La proposition de loi d'Isabelle Santiago est nécessaire : elle corrige un impensé. Nous la soutiendrons.
En son article 1er, elle étend les conditions de suspension de l'autorité parentale, du droit de visite et d'hébergement au parent poursuivi ou condamné pour violences responsables d'une ITT de plus de huit jours. Elle ouvre également la possibilité de suspendre l'autorité parentale en cas de violences ou de crime sur l'enfant. En l'état, la loi laisse de trop nombreux parents face à un cas de conscience permanent : soit respecter le droit de visite et d'hébergement, et remettre l'enfant au parent accusé de violences ; soit être condamné pour non-présentation d'enfant. C'est alors le parent non violent qui risque de perdre la garde de l'enfant.
Comme suite logique, l'article 2 rend automatique le retrait en cas de condamnation pour inceste – une disposition appelée à évoluer par voie d'amendement. Il existe encore un monde, et le pays des droits de l'homme en fait partie, où l'inceste n'entraîne pas la suspension de l'autorité parentale et de la garde. Ce monde, nous avons pour mission de le rendre meilleur pour que les enfants puissent grandir en bonne santé et dans la dignité. Nous ne sommes déjà pas sûrs de leur léguer un climat vivable, alors assurons-nous, au moins, de les faire vivre dans un monde où leurs droits seront assurés, protégés.
Nos enfants ne sont pas que des dommages collatéraux des violences intrafamiliales. Ils sont les victimes à part entière de ce fléau. On les dit éponges – à émotions, à connaissances, à normes, à valeurs. Ne les laissons pas éponger les coups et les violences, physiques comme morales, de leurs parents.
Notre République porte la responsabilité du sort de tous ses enfants. Elle est leur héritage, comme elle a été le nôtre avant eux. Les grandes réparations peuvent sortir du droit, disait Léon Gambetta. Nous ou nos enfants pouvons les espérer, car l'avenir n'est interdit à personne.