Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les membres de la commission des lois, c'est pour moi un très grand honneur de me présenter devant votre commission, après avoir été pressentie par Mme la présidente de l'Assemblée nationale pour siéger au sein du CSM.
Je présenterai mon parcours en gardant à l'esprit le mot du conseiller d'État Eugène Marbeau : « Dire du mal de soi est le seul moyen de parler de soi sans ennuyer les autres ». J'essaierai de compenser par la brièveté de mon propos l'ennui éventuel qu'il serait susceptible de vous causer.
J'ai suivi un parcours académique classique : docteure en droit, agrégée de droit public et professeure de droit, à l'université de Tours puis à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, où j'ai le bonheur de transmettre à mes étudiants, année après année, mon goût du droit. J'ai complété ce cursus par plusieurs expériences administratives. J'ai été élue par mes pairs au Conseil national des universités, qui est chargé du recrutement et de la gestion de la carrière des enseignants-chercheurs, lesquels présentent, avec les magistrats, la particularité de jouir d'une indépendance garantie par la Constitution. J'ai participé, au sein de l'Agence nationale de la recherche, à plusieurs programmes, ce qui m'a permis d'acquérir l'expérience de l'évaluation des dossiers et de la gestion administrative.
Enfin et surtout, j'ai été nommée par le Premier ministre, en 2015, à la Commission nationale consultative des droits de l'homme, en qualité de personnalité qualifiée. J'y ai présidé la sous-commission Société, éthique et éducation aux droits humains. Je retire de cette très belle expérience l'importance de la délibération collégiale pour parvenir à une confrontation de points de vue qui peuvent être parfois fort divers et aboutir néanmoins une décision collégiale, acceptable et acceptée.
C'est à ce stade de mon parcours universitaire que Mme la présidente de l'Assemblée nationale propose ma nomination au CSM, ce dont je la remercie vivement. Cette proposition m'honore et m'oblige. Je me suis demandé quel apport pouvait être le mien à cette institution républicaine si précieuse qu'est le Conseil supérieur de la magistrature. À la réflexion, avec l'humilité qui s'impose, il me semble qu'il pourrait être double, grâce au regard à la fois expert et extérieur que je pose sur l'institution judiciaire.
Mon regard expert se nourrit de mon domaine de compétence scientifique, qui est la protection des droits fondamentaux. Dans mes travaux universitaires, j'ai abordé cette question sous trois angles complémentaires.
Le premier angle est le droit du justiciable à un juge, et plus encore à un bon juge. Un bon juge est un juge qui présente des qualités d'indépendance et d'impartialité, et statue dans un délai raisonnable ainsi que dans le respect du contradictoire. Par ailleurs, j'ai réfléchi – c'est le fil rouge de mes travaux universitaires depuis ma thèse de doctorat sur la pauvreté – aux inégalités sociales, notamment entre les femmes et les hommes, et aux réponses juridiques apportées aux questions sociales. J'ai également travaillé, notamment pour la rédaction de l'ouvrage que vous avez cité, madame la rapporteure, sur la place de la justice dans un État de droit où les pouvoirs sont séparés, lorsqu'elle est saisie de demandes de droit de plus en plus nombreuses, notamment en matière sociale et environnementale.
À ce titre, mon parcours universitaire me semble caractériser une expertise juridique susceptible de comprendre et de participer aux missions du CSM, qui sont de trois ordres : assister le Président de la République dans son rôle de garant de l'indépendance de la magistrature et de la justice ; édicter un recueil de déontologie visant à garantir le droit du justiciable à un bon juge ; assurer, en tant que juge de la discipline des magistrats du siège en qualité de juridiction administrative spécialisée, et, pour le parquet, d'autorité administrative consultative, le respect des règles disciplinaires.
Ce regard expert est aussi un regard extérieur. Je ne suis pas magistrate et n'ai jamais été avocate. On pourrait même dire que je ne suis pas du sérail judiciaire, dans la mesure où mon champ de compétences couvre davantage le droit du service public que le droit judiciaire privé et les règles de procédure civile ou pénale.
Ne pas être directement spécialiste de ces questions entre, me semble-t-il, dans le cadre de la définition des membres extérieurs du CSM. Tout l'intérêt de la présence de personnalités qualifiées est d'apporter un point de vue différent et renouvelé sur l'institution. J'y vois un gage d'ouverture, d'indépendance et de transparence d'autant plus précieux qu'il s'agit de l'institution chargée de veiller au bon fonctionnement d'une justice rendue au nom du peuple français.
Tel est le double regard, à la fois expert et extérieur, que je propose d'apporter au CSM si vous confirmez ma nomination. Je verrais dans l'honneur qui me serait ainsi fait la possibilité de prolonger, sous une forme différente mais avec un engagement identique, ce qui a formé le cœur de mon activité d'universitaire au cours des vingt-cinq dernières années : œuvrer à l'intérêt général ainsi qu'au respect des droits fondamentaux et des valeurs qui fondent le pacte républicain et l'État de droit.