Monsieur le rapporteur, nous partageons absolument votre objectif. Faire en sorte que l'État contrôle 100 % du capital d'EDF est d'autant plus important qu'EDF est un fleuron de notre industrie et qu'elle est au cœur de la transformation énergétique qui s'impose à notre pays et de la transition écologique.
Je suis toutefois surpris, car la nationalisation que vous évoquez est un autre nom de ce à quoi le Gouvernement s'emploie. Avec l'annonce de la Première ministre en juillet dernier, l'État a lancé une offre publique d'achat simplifiée des actions qu'il ne détenait pas à l'époque, que ce soit en propre ou via BPIFrance. On peut discuter des mérites des deux procédures, mais je voudrais m'assurer que tout le monde comprend qu'elles aboutissent exactement au même résultat. La méthode de l'OPA est probablement plus respectueuse des acteurs économiques puisqu'elle organise une concertation, leur donne la possibilité d'engager un recours et ne constitue pas, à proprement parler, une expropriation.
De nombreux actionnaires minoritaires ont d'ailleurs déjà choisi d'apporter leurs actions au prix de 12 euros, ce qui représente pour eux une prime de 50 %. Cette prime avait été considérée par certains députés comme bien trop élevée ; vous souhaitez désormais l'augmenter.
Depuis le 26 janvier, l'État détient plus de 90 % du capital d'EDF, ce qui était la condition pour engager la procédure du retrait obligatoire des actions minoritaires. Le Gouvernement s'y est engagé devant le Parlement, mais également devant l'Autorité des marchés financiers (AMF). Cette procédure est donc maintenant inéluctable et sera menée à son terme. L'objectif est bien de détenir 100 % du capital d'EDF, comme cela a été débattu et confirmé par les crédits inscrits l'été dernier en loi de finances rectificative ; donc, de manière certaine, l'État deviendra actionnaire à 100 %.
C'est la raison pour laquelle l'incompréhension domine à la lecture de la proposition de loi : pourquoi nationaliser une entreprise sur le point d'être détenue à 100 % par la puissance publique ? De mon point de vue, l'article 1er est inutile, sauf à rappeler qu'à la date de son entrée en vigueur, cette loi serait une incontestable réalité. Or, le législateur ne doit pas être descriptif mais prescriptif.
Cette proposition de loi n'est pas seulement vidée de son sens par l'OPA en cours, elle est aussi dommageable pour le groupe EDF et pour le contribuable, pour deux raisons que vous avez évoquées.
Tout d'abord, l'article 2 introduit une notion qui me paraît prêter à confusion. Vous parlez de groupe public unifié, qui n'est une notion ni juridique, ni entrepreneuriale, ni économique, mais qui sous-entendrait que l'État ne pourrait pas vendre une partie des actions du groupe. C'est, en tout cas, ce que je comprends. Il y aurait tout de même un paradoxe à ce que l'État dépense autant d'argent pour prendre le contrôle à 100 % pour, finalement, diminuer sa participation, d'autant qu'il s'est engagé publiquement, devant le Parlement. Il n'y a donc pas d'ambiguïté à ce sujet.
En revanche, si cela sous-entend que l'entreprise ne pourrait pas, sur tel ou tel projet, acheter des filiales dans des pays ou, au contraire, vendre une filiale de distribution dans un autre, ce serait, je pense, entraver la capacité de ce groupe à se développer.
Le plus étonnant est l'article 3, dans lequel vous proposez un prix de 14 euros par action alors qu'à 12 euros, l'État prendra le contrôle complet d'EDF pour un coût de près de 10 milliards d'euros déjà non négligeable pour les finances publiques – vous proposez un surcoût de 1,5 milliard d'euros ! J'ai bien compris que vous avez déposé récemment un amendement pour revenir sur ce sujet, mais vous ajoutez un risque supplémentaire parce que, si, depuis le mois de juillet, EDF avait pris les bonnes décisions et que la valeur de l'entreprise avait augmenté, cela coûterait encore plus cher.
Nous partageons votre objectif. L'OPA engagée nous permettra de l'atteindre. Votre proposition de loi est à la fois inutile, dommageable pour les fonds publics, et elle crée, au gré de la navette, une incertitude là où il n'y en a pas. En outre, son article 2 est potentiellement un carcan à un moment où le groupe a besoin d'investir et d'innover.