Aujourd'hui est annoncée l'augmentation de 15 % des tarifs réglementés de l'électricité. Nous sommes en 2023, la dérégulation du marché de l'énergie a plus de vingt ans. Il est temps de dresser un bilan de cette œuvre qui a conduit les prix de l'énergie à exploser au détriment de notre compétitivité, de celle de nos industries et de nos entreprises – j'ai une pensée pour nos commerçants et nos artisans. Cette dérégulation a conduit à la destruction d'un outil industriel, de notre grande entreprise nationale, Électricité de France, et de notre parc nucléaire qui, en raison de cette logique financière et cour-termiste, n'a pas été suffisamment entretenu, ce qui a conduit aux graves difficultés que nous avons connues cet hiver et que nous connaîtrons peut-être encore. Elle a conduit également à la destruction d'un service public qui garantissait aux Français l'électricité la moins chère d'Europe et à notre industrie une électricité moins chère de 40 % par rapport à l'Allemagne – son prix est aujourd'hui 5 % supérieur.
Face à ce long délitement, à cette lente destruction de notre service public de l'énergie, il faut réagir. C'est l'objet de cette proposition de loi.
Pourquoi nationaliser EDF ?
La nationalisation n'est pas ringarde. Il ne s'agit pas de revenir à l'ancienne EDF que nous avons connue, mais de faire d'EDF le grand outil public de planification écologique et de transition énergétique. Seule la puissance publique peut assumer les investissements et les arbitrages relatifs à notre mix énergétique dans l'intérêt général, dans le souci du service public et non dans une logique marchande.
Vous me répondrez que le Gouvernement a annoncé une offre publique d'achat (OPA) sur le groupe EDF et que cette nationalisation est déjà permise. En tant que rapporteur spécial de la commission des finances, je me suis rendu au ministère de l'économie et des finances et j'ai pu constater une tout autre réalité. Le Gouvernement entretient la confusion sur cette OPA. L'objectif n'est pas de conserver le groupe EDF dans son intégralité, mais bien de procéder à la cession, à moyen ou court terme, de la branche services d'EDF, d'une partie des réseaux, notamment des actifs dans la transition énergétique.
De plus, l'OPA en cours est particulièrement fragilisée par le vote du conseil d'administration d'EDF, au cours duquel six administrateurs se sont montré favorables et six défavorables. M. Jean-Bernard Lévy, à l'époque président d'EDF, a participé à la décision alors qu'il était censeur du conseil d'administration de la Société générale, dont je suis bien placé pour vous assurer qu'elle est la banque conseil de l'État dans l'OPA. Lors de mon contrôle sur pièces et sur place, j'ai d'ailleurs pu consulter des notes produites par cette banque. Plusieurs recours sont en cours et, bien que l'État ait dépassé le seuil de détention de 90 % des actions, l'OPA est toujours suspendue, en attente d'une décision de la cour d'appel.
Cette proposition de loi vous invite à procéder à cette nationalisation.
L'article 1er dispose que la société Électricité de France est nationalisée : cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant.
L'article 2 est central : il donne au Parlement le moyen de bloquer ce qui serait un projet Hercule 2 ou, en tout cas, les intentions de démantèlement et de privatisation d'une partie des activités d'EDF. Il définit ces dernières, rendant obligatoire, pour un gouvernement qui souhaiterait en privatiser une partie, de venir devant le Parlement pour procéder à cette privatisation. Par cet article, nous nous dotons d'un outil de contrôle parlementaire sur le service public de l'énergie et, plus généralement, sur l'avenir énergétique de notre pays.
L'article 3 prévoit un mécanisme de nationalisation – que je vous proposerai d'ailleurs de modifier au sens de l'article 34 de la Constitution si, et seulement si, l'OPA est annulée par la justice ou n'est pas menée à son terme d'ici à quelques mois. Cela permet à la fois de respecter le calendrier de l'OPA proposée par le Gouvernement et de doter la France d'un mécanisme de nationalisation si l'OPA n'arrive pas à son terme en raison des décisions de justice.
Vous le savez pour avoir été interpellés dans vos circonscriptions, nous vivons un moment extrêmement difficile pour nos artisans et nos commerçants. Je vous propose donc d'ajouter un article additionnel permettant d'étendre le bénéfice du bouclier tarifaire, donc du tarif réglementé de vente d'électricité, aux entreprises de moins de dix salariés réalisant moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Nous devons être au rendez-vous de l'histoire, au rendez-vous de l'avenir énergétique de la France. Je souhaite que par-delà nos appartenances partisanes, nous trouvions ici motif à nous rassembler, dans l'intérêt du pays et dans l'intérêt des Français.