Lorsque nous avons reçu Pierre Moscovici à propos de la réforme des retraites, j'avais été assez surpris, – mais il n'est pas le seul à tenir ce discours – de l'entendre dire à la fois qu'il ne fallait surtout pas creuser la dette ni augmenter les impôts, et qu'on se trouverait face à un « mur d'investissements » nécessaires dans les années à venir. Le chef de l'État en a évoqué un, avec les 413 milliards d'euros qui seront consacrés à la défense entre 2024 et 2030, mais personne ne contestera qu'un investissement tout aussi massif, voire plus compte tenu de l'urgence de la situation, soit nécessaire en faveur de la bifurcation écologique, de la santé publique et de bien d'autres secteurs.
C'est la quadrature du cercle : si des investissements sont nécessaires, que nous ne pouvons pas recourir à la dette et qu'il ne faut pas augmenter les impôts, que faire ? Certains nous disent que les dépenses de fonctionnement sont trop importantes et qu'il faut réduire les dépenses publiques. Mais la baisse des dépenses de fonctionnement de tel ou tel ministère ou service public aurait inévitablement un impact sur l'investissement. Ainsi, lorsque des fonds sont prévus pour MaPrimeRenov' ou pour l'isolation thermique, si vous réduisez les effectifs du ministère de la transition écologique ou des opérateurs, cela nuira au contrôle et au fléchage et les investissements seront bien moins efficaces.
Dès lors, il faut se demander où trouver l'argent dans un pays dont la richesse n'a cessé de croître depuis des années.
Le mérite de cette proposition de loi, comme de plusieurs amendements déposés lors de la discussion budgétaire, est précisément de rappeler qu'il y a de l'argent et qu'il ne s'est pas évaporé : s'il ne va pas vers les salaires, si la majorité refuse qu'il aille vers les revenus du travail, qu'ils soient socialisés ou pas, il apparaît clairement que, grâce qui plus est aux cadeaux fiscaux, l'argent va de plus en plus vers une rente capitaliste, cet autre nom des actions et des dividendes, qui n'est même pas réinvestie dans les entreprises.
J'ai bien entendu, dans le débat sur les retraites, l'idée que, si l'on imposait des cotisations plus lourdes à ces dividendes tirés du travail, si on les taxait plus, on mobiliserait une ressource aléatoire. Mais ce n'est pas ce que j'observe puisque les dividendes ne cessent de progresser. Il faut donc bien faire en sorte que les plus riches, en particulier ceux qui utilisent la richesse produite par tous, participent mieux aux investissements nécessaires.
Je souhaite interroger la rapporteure sur la taxation exceptionnelle sur les dividendes, qui est estimée à 200 millions d'euros par Bercy, et à au moins 2 milliards par l'IPP. La mission sur la fiscalité des entreprises nous donnera l'occasion de nous pencher sur cette question et de voir s'il s'agit d'optimisation fiscale, mais un tel écart est étonnant.
Cette proposition de loi me paraît salutaire, tout simplement, parce que nous avons besoin de cet argent, dans l'intérêt général. Contrairement à ce qui se dit, les impôts ne pèsent pas plus sur les entreprises en France qu'en moyenne en Europe – c'est même le contraire. En revanche, les aides aux entreprises, sans aucune contrepartie, explosent et nous sommes là champions d'Europe !