Le 5 janvier 2023, dans un profond et rare moment de sagesse, le Président de la République affirmait : « Il n'est pas normal qu'il y ait des gens qui fassent de très gros profits dans un moment où l'on utilise quand même l'argent du contribuable pour aider les plus petits à résister. Donc, nous allons remettre un peu tout le monde d'équerre. »
Remettre tout le monde d'équerre, c'est-à-dire mettre fin à une situation où des profits sont réalisés par un petit nombre de grandes entreprises, est bien l'ambition de cette proposition de loi défendue par Olivier Faure et les membres du groupe socialiste et apparentés, d'autant que la part des aides publiques aux entreprises qui était de 6,4 % du PIB en 2009, a depuis été multipliée par deux.
Alors que le Gouvernement cherche à trouver 12 milliards d'euros pour financer un système de retraite présenté comme au bord de la faillite en dépit de son excédent de 3,2 milliards d'euros à la fin de l'année 2022, la présente proposition de loi qui avance une solution simple et efficace pour augmenter les recettes publiques ne devrait pas manquer de retenir son attention. En effet, on ne peut pas à la fois demander aux Françaises et aux Français de travailler deux ans de plus pour récupérer 12 milliards d'euros et refuser de faire contribuer quelques sociétés au financement des aides, qui ne sont d'ailleurs pas illégitimes, aux entreprises en souffrance et aux ménages.
L'impôt effectivement payé par les multinationales, une fois déduites les aides et subventions, n'est pas plus élevé en France que dans la moyenne des pays de l'OCDE. L'impôt sur les sociétés (IS) représente en effet, en France, 2,2 % du PIB contre 3 % en moyenne dans les pays de l'OCDE, selon les statistiques des recettes publiques publiées pour 2022 par l'OCDE elle-même. L'imposition des entreprises ne permet pas de dégager des ressources suffisantes pour faire face à la crise, alors que les aides aux entreprises représentent plus de 30 % du budget de l'État.
Des progrès ont certes été réalisés depuis le mois de juillet dernier, lorsque le ministre de l'économie affirmait qu'il ne savait pas ce qu'était un superprofit, alors même que l'Union européenne lui en a donné la définition dans le règlement du 6 octobre 2022. Les mesures adoptées dans la loi de finances pour 2023, qui ciblent uniquement le secteur de l'énergie, sont bienvenues mais insuffisantes au regard des profits réalisés dans d'autres secteurs. Qui plus est, la méthodologie d'estimation des recettes attendues, notamment au titre de la contribution de solidarité temporaire sur le secteur des combustibles fossiles, aurait mérité d'être plus transparente afin d'éclairer le débat. Ainsi, l'estimation de 200 millions d'euros affichée par le Gouvernement est très loin de celle de l'Institut des politiques publiques, l'IPP.
La contribution additionnelle que nous proposons ici est assise sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises, définis comme une augmentation du résultat net d'au moins 25 % par rapport à une moyenne réalisée sur la période 2017-2019. Cette contribution, dont le seuil est suffisamment élevé pour ne frapper que les surprofits, pourrait rapporter quelque 20 milliards, selon les experts que j'ai auditionnés.
En outre, si de nombreux pays européens ont adopté des dispositifs de taxation des surprofits selon des modalités variées, toutes obéissent à une même logique : mieux financer les politiques publiques en rétablissant des conditions de concurrence équitables entre les acteurs économiques. Ces enjeux supposent des effets prolongés ; la contribution proposée n'est qu'un premier pas vers une réforme de la fiscalité internationale et une réelle conditionnalité environnementale, sociale et fiscale des aides publiques.
Une citation résume bien ce que devrait être notre état d'esprit face à cette situation intolérable : « J'en ai assez que l'on ait des gens qui, sur la base de la crise, fassent des profits excessifs. » Cette déclaration puissante du Président de la République – encore lui ! – mériterait d'être traduite en actes, par l'adoption de la présente proposition de loi. Je vous invite donc, mes chers collègues, à en voter l'article unique.