Intervention de Marina Ferrari

Réunion du vendredi 27 janvier 2023 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarina Ferrari, rapporteure pour avis :

Le texte que nous examinons a pour objectif d'équilibrer et de pérenniser notre système de retraite tout en corrigeant certaines inégalités du système actuel.

À ce stade, quelques éléments de contexte me semblent nécessaires pour objectiver le débat sur cette réforme des retraites. Nous sommes confrontés à une démographie défavorable, qui pèse sur les équilibres de notre régime de retraites par répartition. Le vieillissement de notre population s'accélère. Dans sa dernière publication, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) indique qu'au 1er janvier de cette année, 21,3 % de notre population est âgée de 65 ans ou plus. L'espérance de vie à la naissance est de 79,3 ans pour les femmes et de 85,2 ans pour les femmes et, contrairement à ce que j'ai pu entendre ces derniers jours, l'espérance de vie en bonne santé à 65 ans a augmenté ces dix dernières années de 0,8 an pour les hommes et de 0,9 an pour les femmes. Parallèlement, notre indice conjoncturel de fécondité se situe à un point bas de 1,8 enfant par femme et notre natalité est historiquement faible. De ce fait, le ratio du nombre d'actifs cotisants par rapport au nombre de retraités, sur lequel repose notre système par répartition, ne cesse de se dégrader. À ce jour, on compte 1,7 actif par retraités et ce ratio devrait descendre à 1,2 d'ici 2070.

Ce problème démographique a une incidence directe sur l'équilibre de notre système de retraite, dont les ressources reposent pour 79 % sur les cotisations, pour 12 % sur les impôts et taxes affectées, pour 7 % sur les transferts d'organismes tiers et pour 2 % sur les prises en charge de l'État pour compenser les déséquilibres de certains régimes spéciaux. Ainsi, dans l'ensemble des scénarios présentés par le COR, nous ferons face à des déficits importants dans les années à venir. En 2027, en effet, le déficit du système de retraite atteindrait 12,3 milliards d'euros, alors que l'âge conjoncturel moyen de départ en retraite était déjà, en 2020, de 62,4 ans. Le déficit se creuserait par la suite dans la quasi-intégralité des scénarios.

Dans le scénario central, retenu par le Gouvernement et qui reste, d'après le Haut Conseil des finances publiques, relativement optimiste, le déficit de notre système de retraite atteindrait 0,5 % du PIB en 2040, soit presque 24 milliards d'euros. Ce solde se dégraderait jusqu'à atteindre 0,8 % du PIB en 2070. Même dans le plus favorable des scénarios étudiés par le COR, qui est aussi le plus improbable, le système ne retrouverait un équilibre qu'au milieu des années 2040. Ces constats sont sans appel et ne devraient pas, me semble-t-il, être sujets à interprétation. À cet égard, je rappelle que la convention reposant sur l'hypothèse d'un effort de l'État constant (EEC) est utilisée par le COR à titre pédagogique et ne reflète ni la réalité de notre système juridique ni l'évolution normale et logique de la contribution de l'État au système de retraite.

Lors de l'audition du Haut Conseil des finances publiques, j'ai entendu dire ici qu'il ne revenait pas au système de retraite de réduire les dépenses de l'État. Du reste, ce projet de loi n'a pas d'autre objet que d'équilibrer notre système et d'y apporter des ressources pour financer des mesures de réduction des inégalités dans la redistribution des pensions de retraite. Pas un euro collecté par cette réforme n'ira à autre chose qu'aux retraites.

Cependant, il ne revient pas non plus à l'État – hors, bien sûr, sa contribution en tant qu'employeur –, donc aux contribuables, de payer les déficits des régimes de retraite, notamment ceux des régimes spéciaux, qui se trouvent en déséquilibre structurel. De ce point de vue, le texte recherche un principe d'équité entre nos concitoyens et propose l'alignement avec le droit commun des régimes spéciaux et de la fonction publique.

Nous allons donc examiner des mesures en recettes et en dépenses, dont une grande partie constitue des avancées. Sans pouvoir réparer toutes les inégalités de la vie, la réforme doit les atténuer. Notre assurance vieillesse est déjà fortement redistributive : il y a moins d'inégalités dans les pensions que dans les salaires. Pour préserver ce trésor, il nous faut rétablir un équilibre financier qui lui permette de perdurer.

Pour ce qui est des mesures en recettes, ce budget rectificatif de la sécurité sociale comprend un article liminaire, dont il ressort que le solde de l'ensemble des administrations publiques (APU) et celui des administrations de sécurité sociale (ASSO) demeurent respectivement évalués à – 5,0 % et + 0,8 % du PIB en 2023, la prévision de croissance de ce dernier étant elle aussi maintenue à 1 %.

Sur le périmètre plus restreint de la LFRSS, après un record de – 39,7 milliards d'euros en 2020, lié à la crise sanitaire, le solde des régimes obligatoires de la sécurité sociale et du fonds de solidarité pour la vieillesse (FSV) a été arrêté à – 24,3 milliards d'euros en 2021 et devrait s'établir à – 18,9 milliards d'euros en 2022.

En décembre dernier, la prévision était de – 7,1 milliards d'euros pour 2023. L'incidence immédiate des revalorisations du montant minimum des pensions et autres dispositifs d'accompagnement que le Gouvernement et la majorité proposent sur le solde de l'année en cours devrait porter ce dernier à – 8,8 milliards d'euros pour les régimes de base stricto sensu et à – 7,5 milliards d'euros en incluant le FSV. Autrement dit, je signale à l'attention de la partie des oppositions qui souhaite rejeter ce texte que de nouveaux droits sont ouverts immédiatement et nous permettent en même temps de remettre le système d'ensemble sur une trajectoire favorable. Le déficit de notre système de retraite serait de 12,3 milliards d'euros en 2026, contre 15,7 milliards d'euros sans la réforme, le point d'équilibre se situant vers 2030.

Le projet de loi comprend deux mesures en recettes. La première ne concerne pas la réforme proprement dite, mais l'abandon du projet de transfert aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) des prélèvements de cinq régimes, notamment l'Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres et l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC-ARRCO). Malgré l'indéniable succès des démarches de centralisation en matière collecte des cotisations d'assurance chômage ou des cotisations d'assurance vieillesse des libéraux, il faut prendre acte du fait que les partenaires sociaux ne sont pas favorables à la poursuite de ce chantier. Fidèle à sa volonté de dialogue et de concertation, et conformément aux préconisations de plusieurs députés de la majorité et du groupe Les Républicains, le Gouvernement propose de revenir sur cette dernière étape.

La seconde mesure est la création d'un index sur l'emploi des seniors. Bien que les précédentes réformes portant report de l'âge légal de départ à la retraite ou allongement de la durée d'assurance aient été favorables au taux d'emploi des seniors, celui-ci reste inférieur à la moyenne observée dans l'Union européenne (UE) – 56 % pour l'ensemble des 55 à 64 ans et 33 % pour les 60 à 64 ans. Le texte propose plusieurs mesures pour favoriser le maintien des seniors dans l'emploi et mieux les accompagner dans leur parcours professionnel, notamment ceux qui sont exposés à la pénibilité.

J'en viens aux mesures en dépenses. Pour équilibrer le système, il aurait été possible de retenir la voie, injuste, de la diminution des pensions servies ou celle, déraisonnable au vu de notre taux de prélèvements obligatoires, de l'augmentation des cotisations sociales. Dans la première hypothèse, les baisses de pensions de retraite atteindraient en moyenne plus de 103 euros en 2023, 684 euros en 2027 et 719 euros en 2030. Dans la seconde, la hausse des cotisations salariales et patronales serait d'environ 408 euros en 2027 et 442 en 2030. Ces hypothèses réduiraient toutes deux le niveau de vie de nos concitoyens, retraités ou actifs.

Refusant d'utiliser ces leviers, le Gouvernement a préféré décaler de deux ans l'âge de départ à la retraite et accélérer les effets de l'allongement, déjà décidé par la réforme dite Touraine de 2014, de la durée de cotisation permettant de liquider une retraite à taux plein. Pour équilibrer le système, ces deux mesures sont nécessaires.

Le projet de loi ne se limite cependant pas à ces dispositions : il corrige également des inégalités de la vie. Ainsi, il pérennise certains dispositifs, comme la retraite anticipée pour les assurés ayant effectué des carrières longues ou celle des travailleurs handicapés ; il en corrige d'autres, avec la revalorisation du minimum contributif (MICO) pour les futurs retraités, au nombre de 180 000 – non 48 000, comme j'ai pu l'entendre –, comme pour le 1,8 million de retraités actuels, avec l'objectif, pour un salarié à carrière complète, à temps plein et au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), de verser une pension de retraite équivalente à 85 % du SMIC. Le montant de la pension minimale de référence sera revalorisé dans les mêmes proportions.

Il faut citer aussi le relèvement de 39 000 à 100 000 euros du plancher de récupération sur succession de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et son indexation sur l'inflation ; la prise en compte des trimestres validés au titre de l'assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) pour la retraite anticipée pour carrière longue et pour le calcul du MICO ; la meilleure prise en compte de la pénibilité, avec l'abaissement des seuils pour le travail de nuit ou posté ; la prise en compte, dans le cumul entre l'emploi et la retraite, des cotisations qui généreront de nouveaux droits contributifs et la validation, pour le calcul de la retraite, des périodes travaillées en travaux d'utilité collective (TUC) et dans d'autres dispositifs de stage.

Le projet de loi crée également de nouveaux dispositifs, comme un départ à la retraite anticipé pour les travailleurs en inaptitude ou en invalidité et une assurance vieillesse pour les aidants (AVA).

Pour terminer, et parce que ces mesures nous engagent pour les décennies à venir, j'appelle de mes vœux, et avec moi les députés du groupe Démocrate (MoDem et indépendants), l'inclusion d'une clause de revoyure à l'horizon d'octobre 2027. Cette disposition nous permettrait d'évaluer les impacts financiers et sociaux de la réforme à mi-parcours et d'en tirer les conséquences.

Les deux marques d'un système de retraite juste sont l'équilibre financier, lequel permet d'assurer un versement des pensions, et le traitement le plus équitable des situations individuelles, en prêtant une attention particulière aux plus difficiles. Ce PLFRSS tend à répondre à ces deux ambitions et j'émets donc un avis favorable à son adoption.

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