Je vais être décevant sur le sujet de la trajectoire, car nous ne possédons pas suffisamment d'informations. En effet le Haut Conseil n'a été saisi que sur les conséquences de la réforme des retraites pour la seule année 2023. En réponse à des demandes répétées, le Haut Conseil a fini par obtenir un complément au PLFRSS portant sur la période de 2023 à 2026 qui a permis d'établir une comparaison avec les chiffres de la LFSS pour l'année en cours. La comparaison n'est donc que partielle.
Pour aller plus loin, il eût fallu que nous puissions disposer des résultats chiffrés présentés dans le rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, mais aussi de détails sur les hypothèses et les mécanismes concernant ces chiffrages qui ne figurent pas dans ce rapport.
Ce qui me permet de répondre tout de suite à la question du rapporteur général : sommes-nous rassurés ? Nous ne pouvons raisonner qu'en différentiel. Je peux dire que la réforme des retraites ne suffit pas à elle seule à justifier la trajectoire des finances publiques, mais qu'elle l'étaye en partie. De plus, par rapport à ce que contenait le projet de loi de programmation des finances publiques, il manque toujours 0,7 milliard d'euros en 2026 sur les régimes de base et le FSV.
Dans ce cadre, je souhaite d'emblée corriger deux illusions d'optique. Premièrement, s'agissant des 0,4 milliard d'euros : ces mesures ont un coût, mais elles rapporteront par la suite. Deuxièmement, si l'incidence sur la dette n'est pas visible, cela ne veut pas dire qu'il n'existe aucune incidence.
S'agissant de la question du président sur le mur d'investissements et la charge de la dette, j'ai bien parlé d'investissements à financer. Nous avons besoin d'investissements, mais j'estime qu'un investissement a besoin d'être financé avec des recettes et des marges de manœuvre. Dans ce cadre, la course à l'endettement n'est en aucun cas la solution. J'ajoute que nous sommes dans un moment où cet écart qui existe déjà entre nos finances publiques et celles de nos partenaires est en train de se creuser. C'est pourquoi j'ai parlé d'une trajectoire trop peu ambitieuse. Les autres pays de l'Union européenne visent l'année 2025, alors que nous visons 2027 avec une dette stagnante. Les investissements sont donc nécessaires, mais ils ne doivent pas être financés par un surcroît de dettes.
Il existe en effet d'autres solutions : les dépenses fiscales et sociales ou la hausse des impôts, même si nous ne le recommandons pas. La croissance ne répond pas non plus au problème, car nous ne devons pas nous bercer d'illusions : nous n'entrons pas dans les Trente Glorieuses.
Par ailleurs, madame la rapporteure pour avis, je ne permettrais jamais de dire à des députés ou des sénateurs qu'ils sont irresponsables. En revanche, je dis que l'absence de LPFP n'est pas anecdotique et pourrait entraîner des conséquences sérieuses, voire graves.
Enfin, ce n'est pas la première fois que le Haut Conseil annonce que la prévision de la masse salariale est basse, nous l'avions déjà fait en 2021 et elle s'est révélée plus dynamique que prévu. Cela ne veut pas dire que nos prédictions sont toujours justes. Néanmoins, si l'inflation était plus élevée que l'estimation de 4,2 % – et elle risque de l'être –, la masse salariale risque d'être également plus élevée.
S'agissant du bouclier fiscal, une baisse des prix pourrait en effet être favorable, mais les mécanismes sont complexes : le gain est probable, mais incertain dans son ampleur. Par conséquent, notre jugement sur les finances publiques pour 2023 reste nuancé. Cet automne, nous pensions que le déficit serait supérieur à 5 %, aujourd'hui je suis incapable de vous dire s'il sera supérieur, égal ou inférieur.