La France avait perdu des contentieux : le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel nous donnaient tort. Nous étions soumis à deux directives européennes et étions sous le coup de deux procédures en infraction.
Plusieurs solutions étaient envisagées. La première consistait à sortir du marché européen et de ne pas mettre en place de concurrence. Cette option a été sérieusement étudiée, mais la commission Champsaur, en revanche, l'a rapidement mise à l'écart, pour se pencher davantage sur le démantèlement. Ce dernier aurait induit un morcellement susceptible d'introduire de la concurrence. Une autre option reposait sur la taxation, pour permettre aux fournisseurs d'investir. En effet, l'objectif était d'augmenter la capacité et de maintenir l'avantage comparatif pour les consommateurs.
La commission Champsaur, qui regroupait des parlementaires et experts de tous bords, s'est accordée à l'unanimité sur une proposition provisoire, en insistant sur son caractère transitoire. L'Arenh devait arriver à échéance en 2025, tout en étant réévalué tous les ans. Le prix doit être fixé en tenant compte du financement du parc nucléaire français d'EDF, de son amortissement, des réparations importantes, de son démantèlement et du grand carénage.
Toutes ces données devaient donc évoluer. Or, cela n'a pas été le cas, d'abord parce que la situation a satisfait tous les acteurs durant quelques années – jusqu'à l'explosion des prix du marché de gros. J'encourage un travail sérieux, dès à présent, pour préparer 2025 : le volume de l'Arenh vient d'être étendu à 120 TWh et son prix à 46 euros. Il est incompréhensible que l'Arenh, qui représentait un véritable véhicule de sortie de crise, ait été laissé sans pilote. Il s'agissait d'une « rustine de l'instant » qui appelait à un suivi très étroit, et qui pouvait d'ailleurs être suspendue à tout instant.
De même, rien n'empêchait de suspendre provisoirement la fixation du prix de l'électricité sur le marché européen dès mars 2022, à la suite de l'explosion des prix liée à l'agression ukrainienne. Pour vous dire la vérité, bien que je sois un européiste convaincu, je suis plus circonspect aujourd'hui sur la question du marché européen de l'énergie. La situation a en effet évolué : la France, suit une stratégie nucléaire et renouvelable, fait face à un bloc de pays dont le mix repose sur le gaz, les renouvelables, le zéro nucléaire et le lignite. Or, le marché fixe le prix de gros sur l'énergie cible d'un pays dominant. Au demeurant, le gaz a été pris en compte dans la taxonomie. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les interconnexions physiques sont possibles sans que le marché soit entièrement libre. Des interconnexions avec l'Espagne avaient d'ailleurs été aménagées bien avant la mise en place de ce marché. La fixation d'un prix commun sur des énergies dissociées, dissociables et radicalement opposées exige un pilotage particulièrement rigoureux.
Vous ne trouverez jamais un mécanisme parfait en matière d'énergie, puisqu'il s'agit de protéger le consommateur tout en assurant la concurrence ; cependant, il est certain qu'un pilotage permanent est nécessaire.