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Intervention de Dominique Maillard

Réunion du jeudi 26 janvier 2023 à 9h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Dominique Maillard :

J'ai affirmé que les deux EPR seraient sans doute en retard car les causes de celui-ci sont globalement génériques, comme les fissures décelées sur les traversées de l'enceinte. À la découverte de celles-ci, nous aurions vérifié l'autre réacteur, constaté les mêmes malfaçons et pris la même décision. Je pense que les principales raisons de ce retard sont génériques et liées à des problèmes de conception et d'ingénierie qui auraient été rencontrés simultanément. Même s'ils n'avaient été rencontrés que sur l'une des tranches, l'on se serait immédiatement préoccupé de vérifier la deuxième.

Lorsque j'étais président de RTE, nous ne nous sommes pas nécessairement penchés sur un scénario à 100 % d'énergie renouvelable, mais je pense qu'un tel scénario serait dans l'absolu difficile à tenir, sauf à disposer d'immenses capacités de stockage. En effet, la production des énergies renouvelables est liée à la météorologie. Il faut se doter d'une variable d'ajustement et je pense à ce titre qu'un scénario à 100 % est excessif. Un scénario à 60 % d'énergie renouvelable est déjà ambitieux et nécessiterait de grandes capacités de stockage.

Le rôle croissant des ONG est indéniable, que celles-ci soient strictement nationales ou internationales. Elles disposent d'une capacité d'analyse qu'il ne faut pas récuser ou négliger et surtout d'une audience médiatique qui est plus importante que celle dont jouissent les services de l'administration, voire les pouvoirs publics. La façon dont les décisions sont prises in fine échappe à ma compétence. J'établis une distinction entre les ONG qui défendent une position purement idéologique et celles qui appuient leur réflexion sur des analyses et des études, qu'il est de bon aloi de prendre en considération. Il faut toutefois sans doute être mesuré sur le poids qu'elles peuvent représenter dans les décisions finales.

S'agissant des risques sous-jacents au réseau européen, les structures de supervision de celui-ci permettent d'échanger avec les pays voisins et d'anticiper. Je pense par conséquent que les risques ont été réduits, sans pour autant être éradiqués ; nous sommes toujours à la merci d'un incident similaire à celui qui s'est produit en Allemagne en 2006, lorsqu'une ligne dans le nord du pays a été coupée sans que les pays voisins soient prévenus. L'électricité a donc cheminé autrement et a surchargé d'autres lignes qui étaient déjà en limite de capacité. De proche en proche, l'Europe de l'Ouest s'est séparée de l'Europe de l'Est. Or, le réseau était en surcapacité et a pu tenir même après son isolation, alors que le réseau ouest isolé était en déficit de production et s'est trouvé à la limite du black-out. Un tel incident de ce type, lié à un défaut de circulation de l'information, demeure inévitable, même si nous avons considérablement limité les risques.

Je nourris une très bonne opinion de l'hydroélectricité, ne serait-ce que parce qu'il s'agit du seul procédé massif de stockage de l'électricité dont nous disposons. Je suis plus pessimiste sur les possibilités d'un développement de masse de l'hydroélectricité, qui risque de se heurter à des difficultés liées à l'environnement local.

Enfin, supprimer l'ARENH ne résoudra pas tous les problèmes. Ce dispositif joue un rôle d'amortisseur de hausse, puisqu'il assure aux nouveaux entrants du marché un accès à l'électricité à un prix raisonnable et garanti. Par conséquent, ils ne sont pas contraints de s'adresser au marché européen très volatil. Selon moi, le plus dommageable dans le fonctionnement actuel du marché, c'est l'existence d'opérateurs qui sont uniquement des traders. En effet, lorsqu'ils sont obligés d'acheter le mégawattheure plus cher, ils sont tentés de le revendre aussi cher auprès de leurs clients. L'ARENH constitue un élément de modération dont il ne faudrait pas se défaire brusquement, mais dont il faudrait, à terme, envisager la dilution, de sorte à pousser ces nouveaux entrants à se doter de leurs propres moyens de production, ce qui leur garantira des kilowattheures à leur coût de production et leur permettra d'échapper à la volatilité du marché, ce qui serait une bonne chose pour le consommateur final.

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