La question est complexe, car il existe une différenciation entre les échanges physiques sur les réseaux et les échanges commerciaux. En effet, les électrons ne se transportent pas selon une ligne droite, mais ils se dirigent vers la moindre résistance sur les réseaux. De plus, pour se déplacer d'un endroit à l'autre, les électrons transiteront par différents pays. Cette trajectoire ne correspond donc pas à l'échange commercial, qui répond à des prévisions réalisées à vingt-quatre heures et qui fonctionne principalement grâce à deux bourses de l'électricité, à savoir Epex Spot et Nord Pool Spot. Les offres et les demandes s'équilibrent sur ces deux marchés et, d'ailleurs, EDF en profite très largement et bénéficie des prix du marché. L'ensemble de ce fonctionnement est bâti sur des règlements juridiques. Il n'est donc pas possible de décider sur le seul plan politique d'opérer de manière différente. Par ailleurs, RTE pourra toujours réaliser l'équilibre entre offre et demande, même si nous ne savons pas si nous trouverons toujours des vendeurs lorsque nous en aurons besoin. En effet, dans des moments de tension couplés à des moments de pointe, nous devons faire appel à nos voisins pour importer de l'électricité. Pour rappel, nous avions connu une période de grand froid en février 2012 et nous avions eu besoin des autres pays afin d'éviter un potentiel black-out. Il est maintenant très facile de dire que nous souhaitons sortir de ce marché, car il ne nous est pas favorable.
Des discussions entre l'exécutif français et la Commission européenne portent aussi sur l'introduction d'une notion qui reviendrait à dire que nous n'avons pas à payer une électricité carbonée alors que nous produisons de l'électricité décarbonée. Ce concept n'existait pas par le passé et il n'avait jamais été évoqué à l'époque, car l'idée de transition énergétique est arrivée plus tard. En effet, ce sujet a pris de l'ampleur grâce au Grenelle de l'environnement et aux promesses formulées par la France sur les objectifs fixés à horizon 2020. La CRE n'avait cependant pas de responsabilités sur le mix énergétique et elle ne participait, dans le domaine des énergies renouvelables, qu'au calcul de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), à l'organisation des appels d'offres voulus par le gouvernement et à la remise d'un avis sur les tarifs de rachat proposés par celui-ci. La CRE a d'ailleurs souvent donné des avis négatifs sur les propositions tarifaires de rachats. Elle avait alerté sur la possibilité de crise qui s'est produite en 2010 sur le photovoltaïque. Ensuite, la part de la CRE dans la transition énergétique s'est modifiée après mon départ, car celle-ci effectuait de la sous-traitance pour le gouvernement. Il me semblait cependant que nous n'avions pas les moyens de mener l'ensemble de ces travaux à ce moment.