La loi devait permettre aux fournisseurs alternatifs d'électricité d'EDF de se trouver dans des conditions de concurrence équivalentes afin de constituer un prix qui serait le reflet des conditions connues par les entreprises alternatives. En synthèse, la loi visait le développement de la concurrence sur un marché qui était alors relativement peu ouvert.
Dans sa lettre du 15 septembre 2009, le Premier ministre indiquait la chose suivante : « […] il s'agit de donner aux fournisseurs alternatifs un droit d'accès à la production électrique de base d'EDF (ci-après "accès régulé à la base"), aux conditions économiques du parc nucléaire historique, en fonction de leur portefeuille prévisionnel de clients en France, dans des conditions équivalentes à celles dont dispose EDF. […] S'agissant d'une régulation asymétrique d'un acteur dominant, le dispositif d'accès à la base régulée aurait vocation à être proportionné à l'objectif de développement de la concurrence, c'est-à-dire à traiter uniquement l'avantage incomparable dont bénéficie l'opérateur dominant. Dans cette perspective, le dispositif doit être globalement plafonné ». Il a été plafonné à 100 TWh, la commission européenne, dans l'échange de lettres avec le Premier ministre, évoquant un plafonnement au moins égal à 100 TWh.
Cette ouverture des marchés n'a pas démarré facilement, car elle pouvait intervenir uniquement si les tarifs étaient contestables, le Parlement ayant demandé un temps de latence pour ce faire. La loi prévoyait qu'à partir du 1er janvier 2016, la CRE prendrait la responsabilité d'adresser la proposition d'évolution tarifaire. Ensuite, le Gouvernement disposait d'un délai de deux mois pour s'y opposer. Le développement de la concurrence était extrêmement lent pendant le déroulement de cette procédure. Concrètement, des retards sur les tarifs entre 2011 et 2015 ont eu lieu, car les gouvernements n'étaient pas enclins à faire passer des évolutions tarifaires trop importantes, notamment pour les consommateurs domestiques.
Par ailleurs, un accord avait été passé entre les fournisseurs alternatifs et le ministre chargé de l'énergie. Il prévoyait l'application de trois évolutions tarifaires en trois ans pour rééquilibrer les tarifs réglementés vis-à-vis de la réalité des coûts.
La troisième évolution n'a pas abouti, car Madame Royal estimait qu'il était préférable, du moins du point de vue politique, de passer directement à un système d'empilement des tarifs, qui amenait une augmentation moindre. Par conséquent, la mécanique concurrentielle a vraiment débuté à partir de 2015.
Nous pouvons reconnaître qu'aujourd'hui, le marché est ouvert. Par ailleurs, certains débats assez divergents avaient lieu au sujet de la courbe d'endettement d'EDF de 2011 à 2025 et le mode de calcul entre, d'un côté, les interlocuteurs d'EDF et, de l'autre, la CRE et les économistes. Jean-Bernard Lévy s'était présenté devant la CRE et il avait expliqué qu'EDF rencontrait un problème de financement de ses besoins d'investissements au regard du prix de l'ARENH. Par exemple, un point de désaccord portait sur le niveau des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution, à savoir le TURPE. Concrètement, M. Lévy avait besoin que ce niveau soit suffisamment élevé pour qu'un dividende puisse être payé à la maison mère. Nous avions eu un réel différend sur le sujet, tant avec la ministre, qu'avec EDF et ERDF. Cette situation a finalement abouti devant le Conseil d'État, qui nous a donné raison à 98 %.
En conclusion, la problématique de l'ARENH avait répondu à une grande partie des objectifs fixés initialement. J'ai par ailleurs été quelque peu surpris par le discours des uns et des autres sur le « poison » de l'ARENH pour EDF, qui fait face à un faisceau de problématiques. L'ARENH n'était cependant pas déployé pour aider EDF puisqu'il allait entraîner une perte de clients. Toutefois, il était nécessaire, dès l'année 1996, de réfléchir à la manière dont EDF allait répondre à la problématique de la concurrence et des investissements. Une partie de ces sujets ont été résolus par la remontée des prix de l'électricité lors des quatre premières années suivant la première directive. En tant que citoyen plutôt que régulateur, j'estime qu'EDF aurait dû réformer son système de fonctionnement dès les premières années pour s'adapter à une situation de concurrence. Pour ce faire, l'exécutif aurait cependant peut-être dû laisser EDF travailler plus librement.