La Première ministre a en effet mandaté le nouveau PDG sur plusieurs thèmes. Comme du temps du projet Hercule, nous ne sommes associés à aucune préconisation. Le Gouvernement a garanti qu'Hercule n'était plus à l'ordre du jour dans le document de l'OPA, mais je rappelle qu'il ne l'était pas davantage auparavant, puisque le dossier n'a prétendument jamais existé. Nous n'obtenions des bribes d'information que par la presse. Le montage de désintégration de l'entreprise et de bradage au privé des parties les plus rentables à court terme a surtout fait l'objet de discussions en coulisses entre le Président de la République, le PDG sortant et l'autorité chargée de la concurrence au sein de la Commission européenne à Bruxelles.
Nous considérons que nous avons emporté la victoire, mais nous restons vigilants. Un autre Hercule pourrait être dans les cartons. Cependant, il est certain que nous sommes à l'heure des choix. Les représentants de la nation ne peuvent laisser se poursuivre la désintégration de la boutique : ils doivent en refaire un service public. Tant que cela n'aura pas changé, le PDG gèrera EDF comme un boutiquier, sans vision à long terme d'un service public qui aurait la capacité à construire son parc nucléaire remboursé au fil du temps sur les factures. Il en va de même pour le parc hydraulique : en 1960, 56 % de la production était hydraulique. Or, en 1973, 75 % de la production dépendait du pétrole en raison de l'augmentation de la demande et de l'ouverture de centrales au fioul.
Les choix en matière énergétique ont été faits en général avec audace et rapidité. La loi de 1946 a été votée en six mois, tout comme le plan Messmer. En vingt ans, cinquante-six réacteurs nucléaires ont été construits ; aujourd'hui, en quinze ans, on n'arrive pas à en faire un seul. Nous pouvons continuer à gérer EDF comme une boutique, alimentée par des projets de banques d'affaires, avec la bénédiction de Bruxelles ; ou bien la Nation reprend la main sur les questions énergétiques et sur le service public de l'électricité. Nous ne parlons pas là d'une utopie, mais bien de quelque chose qui a existé. J'ai passé la moitié de ma carrière professionnelle dans le cadre du monopole public d'EDF. C'est la raison pour laquelle nous insistons également sur la nécessité d'un double bilan, qui comparerait les conséquences de cinquante ans de monopole public et celles des vingt-cinq dernières années.