Nous sommes les héritiers de la loi de nationalisation de 1946 édictée par Marcel Paul en application du Conseil national de la résistance. Désormais, nous vivons une étatisation par offre publique d'achat (OPA) édictée par des banques d'affaires. Ce n'est pas la même chose. Nous souhaitons, devant vous, une loi de nationalisation, afin de fixer les moyens objectifs du service public de l'électricité et d'en suivre les effets et conséquences dans le temps. Or, nous en sommes si loin que les informations sur les tranches arrêtées ou le productible sont délivrées au marché avant d'être communiquées à l'Assemblée nationale ou aux représentants du personnel.
La loi de nationalisation, cependant, ne serait pas suffisante en elle-même. Il faudrait qu'elle précise la gouvernance de l'entreprise, qui ne peut consister en un conseil d'administration chargé de régler les affaires – et, surtout, les bonnes affaires – à court terme, quitte à accentuer la dette sans investir dans les moyens de production. La gouvernance doit avant tout défendre une vision du service public, en associant la représentation nationale, la représentation des usagers, les associations de consommateurs notamment, et la représentation des salariés. C'était d'ailleurs le modèle qui était proposé en 1946.
Il s'agit en réalité d'un des trois éléments que nous proposons. Nous réclamons en effet également la sortie du marché de l'électricité, afin de recouvrer la souveraineté énergétique en maîtrisant les tarifs par le mix de production nationale, et la sécurisation de l'approvisionnement. Il s'agirait également de mettre un terme au dogme de la concurrence dite libre et non faussée. Chacun est en effet bien conscient des méfaits du marché de l'électricité. Toutes les collectivités locales et les entreprises appellent au retour du tarif réglementé de l'électricité, et il est scandaleux qu'elles n'y aient pas accès.
Tout projet de loi de nationalisation qui prendra en compte ces propositions serait plus que de bon ton. Il est urgent que le pays reprenne la main, par l'action des représentants de la nation, sur le service public de l'électricité et plus globalement de l'énergie.
La loi de nationalisation date du 8 avril 1946 ; celle qui a créé le statut d'électricien gazier a été promulguée le 22 juin 1946. On peut sans doute y voir un esprit de cohérence. La CGT a un bel institut d'histoire sociale, dont la devise est « connaître le passé pour comprendre le présent et préparer l'avenir ». Comment ce statut est-il apparu ? Marcel Paul et ses camarades ont compris que la loi de nationalisation n'était pas suffisante, car il fallait aussi disposer de la main-d'œuvre nécessaire. Or, à la sortie de la seconde guerre mondiale, la main-d'œuvre était majoritairement attirée par le secteur du bâtiment. Le statut vient aussi de ce constat : il fallait consolider, attirer et fidéliser les salariés. Dans le contexte actuel, la question du statut, de la garantie collective forte et de haut niveau de compétences doit faire l'objet de toute notre attention. Or, notre inquiétude ne fait que s'accentuer. Le statut est donc un corollaire indispensable aux missions de service public – si, du moins, on veut retrouver un véritable service public.
Nous avons déjà pointé les responsables dans notre propos liminaire. Depuis 1946, EDF a traversé cinquante ans de monopole public, au service du pays, avant de connaître, avec les directives de 19996, 2002, 2004 et la loi Nome, une période de libéralisation où l'entreprise a été fragilisée, pillée et spoliée, rendant difficile l'accomplissement de ses missions de service public.