Certes, le covid et le phénomène de corrosion sous contrainte étaient imprévisibles. Cependant, certaines dérives étaient visibles et identifiables depuis quelques années. Une première expertise avait été conduite en 2016 sur la diminution du coefficient de disponibilité. Elle a été actualisée au sein du CSEC il y a quelques mois.
En effet, le parc de production doit produire toujours plus et le mieux possible. Or, le champ de contraintes a évolué depuis quelques années. Il est de plus en plus difficile d'absorber les variations de production intermittentes. Le taux de pénétration des énergies renouvelables est en effet croissant, tandis qu'en parallèle, le parc thermique, qui permettait un suivi de charges plus adapté, est réduit à peau de chagrin. Le parc nucléaire français a effectué ce suivi de charge et le fera sans doute encore. Cependant, les contraintes sont sévères. Les effets de saisonnalité sont de plus en plus importants. S'y ajoutent les difficultés à déployer le programme de maintenance.
Le bon fonctionnement du système électrique repose désormais sur le parc nucléaire et sa part dans les moyens de production pilotables ne cesse paradoxalement d'augmenter. Ce phénomène n'a pas été suffisamment anticipé et rémunéré.
Il faut désormais engager une meilleure gestion des arrêts pour maintenance, en matière d'entretien et de contenu des activités, et surtout s'y tenir, car les enjeux de prolongation de durée de vie du parc actuel sont aussi corrélés aux activités de maintenance. Pendant plusieurs décennies, cela a bien été le cas, avant d'être progressivement perdu, sous l'effet notamment de la dégradation du tissu industriel. Les compétences sont en effet vivantes. Sur le nucléaire en exploitation, nous n'avons pas la possibilité de transmettre un certain nombre de compétences pratiques. Il faut recruter rapidement pour pouvoir anticiper les défis qui nous attendent.
S'agissant de l'augmentation des volumes d'activité sur le parc en exploitation, les exigences en matière de sûreté sont accrues. Mais aussi, les contraintes liées au suivi des besoins du marché forment un élément nouveau.
Enfin, concernant le personnel, il faut prendre des mesures d'urgence pour redonner du sens au travail. Les réorganisations incessantes bouleversent la stabilité des équipes. Des contrats de plus long terme sont nécessaires pour donner davantage de visibilité aux sous-traitants. Enfin, les plannings d'intervention doivent être sécurisés le mieux possible. Les arrêts de tranches ne peuvent servir de variable d'ajustement du niveau de disponibilité du parc.
Il faut recruter dans les collèges d'exécution et de maîtrise pour recréer des viviers pratiques de compétences.