La consommation d'électricité a été dramatiquement sous-estimée ces dernières décennies. Nous faisons face à une pénurie d'électricité, dont les conséquences économiques sont sans commune mesure avec un dimensionnement suffisant des moyens de production pilotables. Avec l'ensemble des représentants du personnel, nous avons conduit des travaux concernant les scénarios prospectifs. Nous estimons que les besoins pour assurer une électricité décarbonée en 2050 sont de l'ordre de 850 térawattheures – soit 200 térawattheures de plus que le scénario N3 du RTE. Ce calcul est corroboré par plusieurs études européennes.
La transformation du système électrique s'opérera sur une trentaine d'années et concernera aussi les réseaux de distribution et de transport. Les investissements sont estimés à 20 milliards par an. Elle s'effectuera certainement dans un univers économique et technique incertain, en proie, notamment, aux guerres pour l'accès aux matières premières. Nous pensons que faire des choix responsables, c'est d'abord proposer une évaluation réaliste du moment à partir duquel ces technologies pourraient intervenir à grande échelle. Ainsi, les scénarios « 100 % renouvelable » nécessiteraient une stabilisation du réseau électrique particulièrement décentralisée et sans machine tournante. Or, ces technologies ne sont pas encore matures à l'échelle industrielle.
D'autres éléments interrogent sur la résilience du tissu industriel face au développement de travaux de grande ampleur. Au vu du désengagement des gouvernements successifs en matière de politique industrielle, les outils industriels pour l'essentiel construits sous monopole public, qui ont permis à la France d'émettre beaucoup moins de CO2 que la majorité des pays européens, sont aujourd'hui vus comme des rentes et des avantages concurrentiels indus, comme si leur pérennité et leur efficacité allaient de soi. Or, un certain nombre de ces atouts ont été liquidés. Je pense notamment à Alstom, dont la branche énergie a été saccagée. Sa réintégration – sous la forme de Steam – au sein de la filière française ou européenne était nécessaire pour préserver les savoir-faire et les propriétés industrielles autour du groupe turboalternateur, composé de la turbine Arabelle et de l'alternateur Gigatop. Pour autant, le rachat de la partie Steam ne règle pas toutes les difficultés, loin de là : je pense notamment aux brevets et aux savoir-faire en matière d'éolien offshore, à la rénovation hydraulique, alors que nombre d'outils et usines souffrent d'usure de matériel prématurée, ou encore aux grids concernant les centrales et les transformateurs pour les centrales et les réseaux.
La chaîne de valeur est externalisée aux quatre coins du monde. Il nous a même été indiqué que dans le cadre du rachat de Steam, les turbines utiles pour se doter de SMR à l'avenir pourraient être produites en Inde. Nous devons donc nous demander comment nous doter d'outils industriels robustes.