En outre, la première vague de départ en retraites a encouragé au développement du tutorat, mais cette bouffée d'air a rapidement été étouffée. La longueur de la formation et de l'appropriation du métier doit aussi être prise en compte. Le phénomène de démissions que nous commençons à rencontrer représente un défi immense pour l'avenir de la filière nucléaire, et qui dépasse le seul cadre d'EDF. Le débat parlementaire sur les autorisations administratives touche à sa fin ; mais même si cette question et celle du financement sont réglées, nous continuerons à manquer de bras et de cerveaux. EDF compte 220 000 salariés. Selon les estimations, il en faudrait 330 000 pour répondre aux enjeux technologiques soulevés par le développement des nouveaux réacteurs. Un plan d'urgence sera nécessaire pour y parvenir, en passant par l'immigration, ou en spoliant des secteurs entiers d'activités en matière d'ingénierie. En prenant en compte les départs en retraite, les besoins s'élèvent à 180 000 embauches sur dix ans.
Par ailleurs, la libéralisation d'EDF a amené à considérer que le collège des ouvriers et employés était devenu inutile. J'en suis moi-même issu : les écoles des métiers permettaient à leurs élèves d'entrer très jeunes dans l'entreprise, en bas de la grille, avant d'acquérir compétences et savoir-faire sur la durée. La fermeture des écoles des métiers a signé la fin de l'espoir d'un grand nombre de jeunes. La filière de l'apprentissage avant le bac représentait en effet une opportunité de s'approprier la technologie propre à l'entreprise. Il ne faut pas oublier que les centrales fonctionnent sur des technologies des années 1980, dont la maîtrise ne peut être acquise auprès de l'éducation nationale. Il y avait donc un sens à maintenir ces écoles des métiers. En parallèle, s'est imposé un système de pyramide inversée, où les salariés ne sont plus détenteurs d'une maîtrise et d'une exécution, lesquelles ont été remplacées par la sous-traitance. Nous en payons aujourd'hui les conséquences : arrêts de tranches, disponibilité, ou encore manque de vision à long terme. Surtout, qui connaît aujourd'hui le mieux les installations nucléaires du pays ? Sur de nombreux circuits, les sous-traitants sont partis en retraite ou ont changé d'entreprise. Cette situation n'est pas tenable. Il faut rouvrir en grand les vannes des emplois d'exécution d'EDF. Nous nous sommes bien aperçu qu'une telle proposition n'apparaissait pas dans la lettre de Mme Borne au nouveau PDG. Pourtant, il faut absolument insister là-dessus.