Tout à fait, mais je n'exclus pas – je n'en sais rien et ce n'est pas à moi de vous le dire – que les éléments contenus dans les pièces judiciaires soient potentiellement issus de procès-verbaux de renseignements de la DGSI. De plus, au moment de son incarcération, le renseignement pénitentiaire n'était pas un service de renseignement au sens du code de la sécurité intérieure. Aussi, je peux vous affirmer que la DGSI ne nous a pas transmis d'informations sur M. Elong Abé au moment de sa prise en charge par l'administration pénitentiaire.
Le niveau de dangerosité de M. Elong Abé était suivi. C'est l'un des détenus sur lesquels j'ai eu à travailler très tôt dans ma prise de fonctions. Dès 2016, les incidents qu'ils avaient provoqués étaient un sujet. Son degré de dangerosité en Afghanistan était connu et, au-delà, sa radicalisation était sans ambiguïté, puisqu'elle était revendiquée de sa part. Son profil est très complexe, non seulement au niveau psychologique, mais aussi parce qu'il est fortement imprégné de cette idéologie radicale. Il était prosélyte, générateur de nombreux incidents. Au-delà de son parcours en Afghanistan, déjà marqueur puissant de dangerosité, la prise d'otage en détention constituait pour nous un point d'alerte majeur. Des prises d'otage par des détenus constituent des événements susceptibles de se répéter ; on a pu le constater avec d'autres profils, relevant notamment de criminalité organisée. Étaient donc prises en compte la dangerosité intrinsèque de l'individu compte tenu de son profil psychologique, de sa radicalisation, et de son passé de combattant en Afghanistan, comme sa dangerosité pénitentiaire, puisqu'il était capable de prendre une infirmière en otage en détention et qu'il multipliait les incidents inopinés et imprévisibles. Nous nous intéressions moins aux actes de violence inopinés, puisque le renseignement n'a pas encore les moyens d'entrer dans les consciences, qu'à la surveillance de passages à l'acte de prises d'otage et, potentiellement, de passages à l'acte liés à son idéologie radicale.
Je peux donc vous confirmer que le niveau de dangerosité de l'intéressé était bien pris en compte. Puis il y a eu une évolution. C'est un individu que nous avons suivi dans le temps. J'ai un peu de recul sur lui puisque nous parlons d'une période allant de 2016 à 2022. Il y a tout de même eu une évolution de sa dangerosité en milieu carcéral, puisque les incidents se sont espacés. L'individu a pu, par certains côtés, un peu s'apaiser, mais sa radicalité n'a jamais évolué.