Intervention de Camille Hennetier

Réunion du mercredi 18 janvier 2023 à 14h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Camille Hennetier, cheffe du service national du renseignement pénitentiaire :

Je voudrais commencer par revenir sur un point : je n'ai pas dit que Franck Elong Abé n'avait pas été affecté en QER parce qu'il était trop violent. J'ai dit que sa radicalité était manifeste – ce qui n'est pas le cas pour tous les TIS – et que j'ai du mal à mesurer quelle aurait été la plus-value d'une évaluation de sa radicalisation. Ce point de vue n'engage que moi. Quand un détenu a été comme lui impliqué dans de nombreux incidents, la question de l'opportunité de son placement dans une unité avec d'autres TIS se pose, sachant aussi qu'il est susceptible de mettre en péril cette session d'évaluation. Mais, encore une fois, je ne porte pas d'appréciation quant à sa non-affectation : ce n'est pas mon rôle et je n'en ai pas les moyens.

En ce qui concerne les éléments de renseignement en notre possession, quand nous prenons en charge un détenu, nous avons besoin de savoir ce qui lui est reproché afin d'effectuer une première analyse de son profil et de sa dangerosité. Je n'ai aucune idée de ce qui figure dans le dossier de la DGSI mais le dossier judiciaire comprend largement assez d'éléments sur le parcours de Franck Elong Abé pour permettre au service de savoir qu'un suivi est nécessaire. Je n'identifie pas de plus-value réelle à un accès au dossier administratif au moment de l'incarcération. Nous savons qu'il a combattu, qu'il revient de la zone afghano-pakistanaise et qu'il est dangereux, au même titre que les individus qui sont partis en zone irako-syrienne pour combattre au sein de l'État islamique et qui sont revenus après avoir combattu et commis des exactions. Ce sont des éléments suffisants, même si, bien sûr, il faut ensuite opérer une gradation entre ces personnes en fonction de leurs profils.

Ce qui intéresse le service, c'est le suivi quotidien en détention. Il s'agit de savoir comment se comporte le détenu, comment il interagit et s'il est porteur d'une menace.

J'en viens au potentiel statut de source de Franck Elong Abé. Il est normal que le DLRP n'ait pas répondu puisque cette information relève de la confidentialité la plus absolue. Je ne répondrai donc pas moi non plus, mais je vous donnerai quelques éléments d'information.

Le recrutement et la gestion de sources humaines, au SNRP comme dans tous les services, obéissent à une doctrine très codifiée, qui fixe des règles précises.

Or, en plus d'être très radicalisé, Franck Elong Abé avait un profil psychologique assez lourd et le recrutement par le service de ce type de détenus est hors doctrine, puisqu'ils ne sont pas fiables et se montrent ingérables. De plus, Franck Elong Abé est un individu isolé et assez solitaire. Or, lorsqu'on recrute une source, on fait en sorte qu'elle soit plutôt au contact des autres détenus pour être en mesure de collecter des informations.

Enfin, un changement d'affectation comme la sortie du QI ne fait pas partie des leviers dont dispose le service pour récompenser une source : je vous l'ai dit, nous ne sommes pas décisionnaires en la matière. Nous donnons un avis positif si nous estimons que c'est sans danger, mais c'est tout. Par ailleurs, il ne serait pas dans l'intérêt du service de faire sortir une source de QI, lieu où nous avons besoin de renseignement.

Vous déduirez ce que vous voulez de ces éléments.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion