Mes collègues ne seront pas surpris de m'entendre une fois de plus prononcer le nom de Bolloré. Il ne s'agit pas d'une obsession de ma part, mais d'une conviction selon laquelle il représente l'association la plus aboutie entre offensive capitalistique et « combat civilisationnel », pour reprendre les mots de Vincent Bolloré lui-même.
Puisque vous êtes pressentie pour intégrer l'Arcom, j'aimerais vous alerter et connaître votre point de vue sur le cas Bolloré et, plus largement, sur la concentration dans le champ de l'audiovisuel et des industries culturelles.
Les chaînes CNews et C8 sont bien connues de l'Arcom puisqu'elles ont fait l'objet de nombreux signalements pour incitation à la haine et manquement à la déontologie journalistique. Ces signalements traduisent le mépris de Bolloré pour la puissance publique, qui, en échange d'une convention avec l'Arcom qui a été largement bafouée, met gratuitement à disposition les canaux de diffusion de ces chaînes.
Bolloré, ce sont également des procédures-bâillons, des acquisitions qui débouchent sur des départs de journalistes, des livres censurés, des émissions supprimées ou des scénarios réécrits. Il a constitué un quasi-monopole dans la télévision payante, qui finance la création française, en rachetant le groupe Canal+ avec les chaînes C8, CStar et CNews, Europe 1 et, plus récemment, OCS et le catalogue Orange Studio. Parallèlement, il attaque l'audiovisuel public par la voix de son fidèle ami Cyril Hanouna.
Or ce même audiovisuel public, qui reste le plus gros financeur du spectacle vivant et de la création audiovisuelle, voit son financement mis en péril par la suppression brutale de la redevance voulue par Emmanuel Macron et applaudie par le Rassemblement national.
Comme productrice de cinéma, je vous imagine sensible aux enjeux d'indépendance et de diversité de la création audiovisuelle. Comment l'Arcom pourrait-elle les garantir ? Pensez-vous que l'Arcom dispose des moyens et de la volonté nécessaires pour réagir face au « combat civilisationnel » que Vincent Bolloré entend mener ?