Les deux accords que je vous présente ce matin visent à améliorer la réponse apportée à l'insécurité maritime dans la partie occidentale de l'océan indien.
La France, pays riverain, compte 1 million de ressortissants dans cette région ; elle y détient un quart de sa zone économique exclusive (ZEE) et possède deux bases militaires, à Djibouti et à La Réunion ; une part importante de nos approvisionnements y transite. Nous nous efforçons donc de nous y intégrer grâce à des actions de coopération ou par l'intermédiaire d'organisations régionales.
Tous les pays de la région sont confrontés à un défi commun : l'insécurité maritime. Si l'on pense spontanément à la piraterie au large de la corne de l'Afrique ou au terrorisme dans le canal du Mozambique, les menaces sont en réalités multiples : contrebande, trafic de drogue, d'armes ou de personnes, pêche illicite…
Depuis des années, l'Union européenne est l'un des principaux pourvoyeurs de sécurité maritime dans l'océan indien occidental. Elle améliore la connaissance du domaine maritime et contribue à lutter contre les pirates grâce à l'opération Atalante.
Dans le cadre de sa récente stratégie indo-pacifique, l'Union a installé une présence militaire coordonnée, qui vise à optimiser le déploiement des marines européennes dans la zone, sur le modèle de ce qui existe dans le golfe de Guinée.
On note néanmoins ces dernières années une volonté croissante des pays riverains d'assurer eux-mêmes une part plus importante de la sécurisation maritime de la région. Ces efforts ont convergé dans le programme pour la promotion de la sécurité maritime (MASE), qui peut être considéré comme le socle de l'architecture de la sécurité maritime dans la partie occidentale de l'océan indien.
Ce programme dispose de deux caractéristiques qui le distinguent de l'action conduite par l'Union européenne : il ne dépend pas d'une impulsion extérieure à la région et il traite tout le spectre de l'insécurité maritime, et pas seulement la piraterie et le terrorisme.
Les deux accords que nous examinons aujourd'hui s'inscrivent dans le cadre de ce programme, qu'ils ont vocation à renforcer. Le premier vise à développer le partage de l'information maritime afin d'améliorer le suivi des activités des bateaux dans la zone ; il prévoit que les États parties établissent un cadre pour échanger des informations tout en veillant à l'intégrité et à la confidentialité de celles-ci. Le second tend à renforcer la coordination des opérations en mer. Par exemple, grâce à cet accord, un navire français ayant à son bord des agents de sécurité français et malgaches et guidé depuis les Seychelles pourra réaliser une mission de sauvetage en mer ou arraisonner une embarcation soupçonnée de trafic de stupéfiants.
Ces deux accords disposeront d'une assise institutionnelle puisqu'ils prévoient la création de deux centres régionaux : le premier, responsable de la fusion de l'information maritime, à Madagascar ; le second, chargé de la planification des opérations en mer, aux Seychelles.
L'élan en faveur de la coopération régionale est toutefois tempéré par la volonté de préserver la souveraineté des États parties.
D'abord, tout échange d'information maritime restera à la discrétion des États. En d'autres termes, il n'y a aucune obligation.
Ensuite, des réserves sont autorisées. La France prévoit ainsi d'en faire usage pour exclure toute information classifiée du champ des informations pouvant être communiquées dans le cadre de ces accords.
Enfin, les formes de coopération les plus poussées, comme celles permettant d'embarquer des forces de sécurité d'un État sur le navire d'un autre État, nécessiteront la conclusion d'accords complémentaires.
Si ce nouveau cadre normatif est satisfaisant, il ne s'agit que d'une première étape. Sa mise en œuvre nécessitera une réelle volonté politique de la part tant de la France, qui devra consentir les moyens administratifs et budgétaires nécessaires pour jouer son rôle dans la coopération régionale, que des autres États riverains, dont les ressources sont plus limitées que les nôtres.
Je voudrais, pour finir, appeler l'attention de la commission sur la nécessité de renforcer la lutte contre ce fléau qu'est la surpêche. Il ne s'agit pas là de relativiser les autres menaces, comme la piraterie. Cependant, si celle-ci a fortement diminué au cours des dernières années, ce n'est le cas ni de la surpêche ni de la pêche illégale.
Or l'océan indien est une zone particulièrement sensible de ce point de vue car beaucoup de populations des pays côtiers dépendent de la pêche pour leur subsistance. Les études montrent aussi qu'il s'agit d'une des régions du monde les plus exposées aux conséquences du changement climatique.
La France étant l'un des principaux acteurs de la pêche industrielle dans ce secteur et ses bateaux utilisant des méthodes destructrices pour l'environnement, elle a une responsabilité particulière en la matière. La surpêche a pour effet non seulement de dégrader l'environnement mais aussi de renforcer l'insécurité maritime. En privant les populations locales de moyens de subsistance, elle contribue à l'insécurité alimentaire et à l'instabilité politique. En ne donnant pas aux pêcheurs locaux les moyens de nourrir leur famille, elle alimente la piraterie et le trafic de drogue.
S'il est vrai que ces accords incluent la lutte contre les atteintes à l'environnement marin dans leur champ d'application, encore faut-il qu'ils soient mis en œuvre. Et s'ils prévoient de s'attaquer à la pêche illégale, ils n'abordent pas la question de la surpêche, dont une grande part reste légale.
C'est pourquoi, si je vous invite à voter en faveur du projet de loi, j'émets aussi des réserves et appelle à l'adoption de normes internationales, régionales et françaises plus contraignantes, au renforcement de la transparence en matière de pêche industrielle et à l'interdiction des méthodes de pêche les plus nocives pour l'environnement.