Plutôt que d'ajouter un énième outil inopérant tel que l'index seniors – c'est pourquoi nous sommes pour sa suppression – il faudrait adapter la réforme selon les territoires, comme l'a évoqué M. Turquois tout à l'heure et comme nous l'avons fait pour la réforme de l'assurance chômage, qui n'est pas appliquée dans les outre-mer.
À La Réunion, le territoire que je connais le mieux, le chômage des seniors est plus durable ; il est même souvent de très longue durée – 43 % des seniors y sont inscrits depuis trois ans ou plus. Les seniors y sont trois fois moins nombreux que les moins de 50 ans à accéder à une formation et deux fois moins nombreux à reprendre un emploi.
Parmi les demandeurs d'emploi seniors pour lesquels un diagnostic a été effectué, 51 % au moins sont contraints par un frein périphérique à l'emploi. En comparaison de la moyenne nationale, davantage de retraités réunionnais ont vécu un départ pour inaptitude – trois fois plus selon l'Insee.
Malgré ces difficultés alarmantes, les seniors réunionnais veulent travailler. D'ailleurs, bien qu'ils vivent moins longtemps et en moins bonne santé que dans l'Hexagone, leur taux d'emploi a progressé, non pas parce qu'ils s'épanouissent dans le travail, le plus souvent, mais parce qu'à La Réunion, les pensions de retraite sont les plus faibles de France. Un retraité sur deux touche une pension de retraite inférieure à 850 euros. La pension minimale à 1 200 euros brut, dont nous savons déjà qu'elle est une fake news, ne concernera pas ce territoire, où les carrières incomplètes sont nombreuses et où le niveau du Smic n'a été aligné sur celui qui s'applique dans l'Hexagone qu'en 1996, alors que La Réunion a le statut de département depuis 1946.
J'aurais préféré que nous discutions de dispositifs permettant d'améliorer la vie des gramounes, comme on appelle les personnes âgées chez moi. Mais bon, an atendan, kabri i manz salad – en attendant, la chèvre mange la salade. Audiard fait dire ceci à un personnage de son film Les Barbouzes : « La retraite, faut la prendre jeune. Faut surtout la prendre vivant, et c'est pas dans les moyens de tout le monde. » C'est particulièrement vrai pour les outre-mer.